samedi 15 mars 2008

Pitié pour les pauvres riches !

Finalement, les fabuleuses richesses de l’Orient que détiendraient des princes arabes, possédant haras, fauconneries et élevages de… tourterelles, ne seraient que… fables. En réalité, le monde jauge beaucoup plus les Arabes sur leurs frasques et leurs dépenses somptuaires que pour leur fortune réelle. L’imagerie occidentale les représente jouant au casino ou s’adonnant à des jeux très chers et très illégitimes mais elle en oublie la réalité des comptes en banque.Le dernier classement des milliardaires du monde, établi par le magazine Forbes est édifiant à ce sujet. Le premier milliardaire arabe (en dollars bien sûr) n’est que 19e au classement mondial de la catégorie. Il s’agit, vous l’aurez deviné, d’un Saoudien, le prince Walid Ibn Talal en l’occurrence, propriétaire de journaux et de télévisions, à ses heures perdues. La fortune du prince saoudien est évaluée à 21 milliards de dollars. C’est beaucoup pour un Palestinien de Gaza et même pour un dirigeant du Hamas fortuné, comme tout leader islamiste se doit de l’être. Mais ce pactole ne représente qu’un tiers du matelas de dollars (62 milliards) sur lequel trône l’Américain Warren Buffet, premier milliardaire au palmarès 2008. Ce dernier a supplanté le roi de la puce informatique, Bill Gates, relégué pour la première fois à la troisième place. Le Koweïtien Nasser Al- Kharafi occupe la 46e place mondiale avec ses 14 milliards de dollars. Il est talonné par l’Egyptien Naguib Sawiris, vous savez, celui de la puce Djezzy qui nous fait des prix à l’occasion, et qui pèse 12,7 milliards de dollars.


Je me suis laissé dire, en passant, que l’Algérie ne devrait pas être étrangère au chiffre qui vient après la virgule. L’Algérie a toujours pris en pitié les pauvres riches, ceux qui construisent pour «lawlidate » (terme pudique pour désigner une progéniture nombreuse et avide). C’est d’ailleurs surprenant : il n’y a aucun Algérien parmi les 1 125 milliardaires répertoriés par Forbes. Il y a comme une blessure d’amour-propre quelque part si tous ceux qui nous grugent et nous volent n’arrivent pas à accéder au gotha mondial. C’est désespérant si tous les efforts que nous déployons depuis 1962 pour nous doter d’une classe riche et portant beau n’aboutissent pas. Est-ce pour cela que nous avons négligé l’éducation, le logement et d’autres besoins accessoires pour aboutir à ce triste résultat ? N’est-il pas navrant d’avoir à assumer nos piètres performances économiques, culturelles et sportives et de subir cette honte en plus : échouer dans la seule discipline où nous sommes particulièrement doués. Atteindre de si hauts niveaux de réussite en matière d’accumulation de richesses, au détriment de la collectivité, et ne pas être, pour une année au moins, le dernier milliardaire. Je veux bien échouer en coupe du monde, en coupe d’Afrique et même en interquartiers mais pas dans notre sport d’élite. Je refuse, par orgueil national et par patriotisme, que nos milliardaires fassent grise mine devant la crème des richesses, acquises à la sueur de tous les fronts. Et qu’on ne vienne pas me raconter que le club des 1 125 n’est pas un club de voleurs ! Je suis sûr qu’en cherchant bien, on en débusquera au moins quelques centaines qui peuvent correspondre aux normes nationales en la matière. Que diable ! Il n’y a pas que des Sawiris et des Ibn Talal dans cette armada huppée, on doit bien y débusquer une bande de coupe-jarrets ou un groupe de chenapans. Ce qu’il nous faut, c’est un sursaut national. Nous devons aborder désormais cette compétition avec sérieux, faire preuve d’abnégation et consentir les sacrifices nécessaires. Il est peutêtre nécessaire d’envisager la création d’un fonds de solidarité pour nos milliardaires qui ont trop de pudeur pour réclamer de l’aide. Grâce à cette contribution, versée par des voies occultes, dans les banques internationales idoines, nos représentants seront en mesure de concourir. Comme le note, toutefois, Digital-Elaph (la version papier du journal électronique Elaph), les milliardaires arabes seraient plutôt à plaindre puisque la plupart d’entre eux ont perdu des points en 2008. Les grands richards arabes ont reculé de plusieurs places au classement en raison des pertes subies dans la crise des subprimes. Les Arabes investissent surtout dans la pierre et les remous qui ont frappé l’immobilier américain ont eu des répercussions négatives sur leurs revenus. C’est ainsi que le prince Al-Walid a laissé des plumes, passant du 13e au 19e rang à cause de ses participations à la City Bank, frappée de plein fouet par la crise de l’immobilier. La même mésaventure est arrivée à un autre milliardaire saoudien actionnaire, lui, de la HSBC. Ajoutez à cela les pertes subies dans leurs propres pays par ces investisseurs à cause de la dépréciation du dollar, monnaie unique des transactions. Selon le magazine qui cite des experts arabes de la finance, les fortunes qui ont progressé sont celles des Asiatiques qui ont su faire des placements plus judicieux, notamment dans les secteurs industriels dopés par le renchérissement des prix du pétrole. Il ne faut pas grand-chose de nos jours, d’ailleurs, pour fabriquer un milliardaire en dollars. J’ai eu la surprise en parcourant la liste reprise par Elaph, le magazine électronique édité à Londres, de trouver le nom du téléprédicateur égyptien Amr Khaled. Ce dernier, selon le classement de Forbes dispose d’un capital appréciable avoisinant les 2 milliards de dollars. Amr Khaled n’a pas bâti sa richesse avec la sueur des musulmans mais avec leurs larmes. Il possède, en effet, le rare talent de faire pleurer les musulmans, et surtout les musulmanes, rien qu’en racontant le meurtre d’Abel par Caïn.


Pour titiller les glandes lacrymales des croyants naïfs, vous ne trouverez pas mieux que Amr Khaled. Plus les trépas qu’il décrit sont proches de nous, plus impétueux sont les flots de larmes. Evalués en dollars, les pleurs musulmans sont donc cotés à la bourse des prédicateurs même s’ils n’émeuvent pas outre mesure celui qui les déclenche. Ce milliardaire distingué par Forbes a même eu l’outrecuidance de proposer une journée de jeûne pour Gaza à ses compatriotes. Ce qui l’a dispensé de mettre la main à la poche pour aider ces Palestiniens qui ont décidément bon dos et servent d’alibi à toutes les causes troubles et à tous les excès. Il serait bon qu’un jour les mortellement patriotes que sont Amr Khaled et quelques footballeurs, en mal de célébrité, s’entourent de ceintures explosives et nous fassent apprécier leur foi et leurs engagements détonants. Ils pourraient se faire aider par les enfants des dirigeants du Hamas qui n’ont pas encore défrayé la chronique kamikaze. Et puisque ces messieurs ambitionnent de nous ramener aux temps héroïques de l’Islam, pourquoi ne pas prendre la tête de leurs troupes et charger l’ennemi. Ils le font si bien dans les prêches et les discours aux croyants qu’ils nous donnent envie de les voir à l’œuvre. Mais tant que je n’aurai pas vu un dirigeant du Hamas envoyer son fils à la mort, comme il le fait pour les enfants des autres, je reste sceptique. Et mon scepticisme se nourrit aussi bien du classement mondial des milliardaires que des appels désespérés de la kasma d’Assi-Youssef à un troisième mandat.A. H.


http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/03/10/article.php?sid=65558&cid=8

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