lundi 29 janvier 2007

Grandeur et décadence des idoles

Comment un homme adulé, porté aux nues il y a à peine six mois, peut-il se transformer en monstre sanguinaire, ennemi des Arabes? Au mois d'août dernier, le Libanais Hassan Nasrallah était l'idole des foules à Belcourt et à Oued- Koreiche. Pour les fanas de la marche arrière, il avait réussi à ramener le Liban là où il devait être : au même niveau que tous les autres.C'est tout de même intolérable qu'un pays arabe veuille vivre mieux et avec plus de libertés que tous ses autres voisins. Nasrallah était donc le champion rêvé pour accomplir la plus possible des missions : tirer tout ce beau monde vers le bas. Seulement, il en a trop fait, le Nasrallah ; et allumer un vaste feu à Beyrouth ne suffit pas à dissimuler les préparatifs d’incendie des pyromanes de Téhéran. De plus, il n'a pas tenu compte des risques d'affrontements entre sunnites et chiites et il y en a eu malheureusement. Le plus ultra des religieux chiites a fait vibrer la corde sunnite, déjà bien tendue depuis le simulacre d'exécution de Saddam. Depuis, le chiite arrogant et lançant des défis à Israël a chuté dans les sondages de quartiers. La rue arabe lui tourne ostensiblement le dos. Tous les supporters de football qui clamaient son nom reviennent à nouveau vers nos chères vedettes aux jambes lourdes. Le verdict populaire est tombé : le chiisme ne passera pas, et surtout pas dans nos écoles. Pour faire place nette et laisser le champ libre au fondamentalisme wahhabite, les quelques trublions qui se piquaient de chiisme on été interdits de redoubler. Seuls les bons enseignants, nourris de "salafisme" pur et dur, pourront désormais imprégner nos chers petits de la substantifique moelle. Celle qui empêche durablement l'érection des neurones et la fébrilité des cortex. Pour assurer le succès de cette entreprise et lui conférer un cachet authentiquement algérien, les responsables de nos déboires éducatifs ont encore innové : les cours de la matinée et de l'après-midi seront désormais ponctués par une séance de lever des couleurs. De quoi donner une indigestion de nationalisme à nos chérubins qui auront ainsi tout le loisir de disséquer le politique du religieux.


Une fois la question du nationalisme évacuée, si j'ose dire, dans le cadre des programmes éducatifs, il faudra penser à l'avenir. Réfléchir à la question de l'emblème national et de ses composantes. Pas question de recourir au drapeau saoudien, déjà propriété exclusive et inaliénable du FIS et de ses avortons, élus au suffrage universel. Il faudrait peut-être réfléchir à une solution intermédiaire : garder les couleurs actuelles défraîchies par une exposition trop longue aux intempéries et leur ajouter quelque chose. Je vois bien une épée turque, façon janissaire avec une inscription sur le plat proclamant la résurrection du califat ottoman qui fit régner la lumière et la prospérité dans ses harems. On pourra y ajouter une inscription à la gloire de Dieu, comme le fit cet opportuniste de Saddam. On pourra alors célébrer sans honte le culte du "dirigeant martyr" que prônent tous les journalistes nostalgiques des largesses proverbiales du Raïs (1). Sur ces entrefaites, les théologiens les plus en vue du sunnisme et du chiisme se sont réunis à Doha, capitale du Qatar, autre nom du porte-avion américain stationné dans le Golfe. Selon ses initiateurs, dont le cheikh Karadhaoui, pacifiste de fraîche conversion, il s'agissait d'établir un dialogue durable entre les deux grandes familles de l'Islam. Il y a eu dialogue, en effet, mais du genre qu'échangent des guerriers sur le champ de bataille. Heureusement que tout ce beau monde avait été fouillé à l'entrée, sinon la conférence aurait viré au massacre. L'empoignade verbale a été particulièrement virulente, comme le rapportent les médias. Doha n'a pas accueilli des hommes de religion mais des émissaires de leurs pouvoirs respectifs, dûment mandatés pour empêcher l'impossible entente.


La conférence de Doha a ainsi tourné à la lutte d'influence de deux courants négationnistes. Le premier, sunnite wahhabite, qui ne voit dans le monde musulman qu'un troupeau de fidèles asservis à la ligne "salafiste". Le second, chiite, qui réfute toute autre doctrine "kharédjite", hors la ligne dirigeante des duodécimains. Tout ceci sur fond de tueries et de massacres en Irak. Résultat : la conférence de Doha a accentué les dissensions au lieu de les réduire. Ceux qui sont tentés de voir derrière cet échec les mains réunies de la CIA et du Mossad n'ont pas entièrement tort. Si de telles joutes (2) avaient été préparées et animées, en sous-main, par les deux services secrets, le résultat n'aurait pas été aussi probant. Encore une fois, Bush a des raisons de ne pas désespérer des Arabes. Ils se comportent exactement, conformément aux plans américains. Car, au final, l'objectif de Bush et de l'Amérique n'est pas d'instaurer la démocratie dans le monde arabe. "C'est trop bien pour ces gens-là", doit-il se dire in petto. Et puis, connaissez-vous un meilleur endroit pour y déverser les surplus de la civilisation industrielle ? C'est là le discours que Bush tient en filigrane aux Arabes lorsqu'il s'adresse à ses concitoyens. Les Anglais, ses alliés, eux qui se prennent pour la première démocratie du monde et pensent avoir réglé le problème du communautarisme sont en passe de déchanter. Leurs efforts pour intégrer les musulmans de Grande-Bretagne sont en train d'aller vers l'échec. L'année dernière, les autorités avaient déjà tiré la sonnette d'alarme en reprochant aux imams du royaume de ne pas faire d'efforts suffisants pour enrayer le terrorisme islamiste. Ce qui, en clair, signifiait que les hommes du culte encourageaient tacitement ou activement le terrorisme à défaut de le combattre. Le magazine Elaph s'est fait, par ailleurs, l'écho d'un incident qui a eu lieu en début de cette année et qui pourrait avoir un effet boule de neige. Comme on le sait, les responsables de la police londonienne essaient d'intégrer des femmes policières dans leurs effectifs. Dans le souci de séduire, ces messieurs avaient même été jusqu'à proposer aux futurs "conscrits" une "tenue islamique", conforme au nouveau dogme. Le chef de la police pensait avoir donc réglé un épineux problème lorsqu'il s'est rendu récemment dans une école de police pour présider la sortie d'une promotion féminine. Le directeur de l'école l'a informé toutefois d'un casse-tête de dernière minute. L'unique élève musulmane de la promotion refusait de se plier à la poignée de main traditionnelle, par conviction religieuse. De plus, elle ne voulait pas figurer aux côtés du responsable pour la non moins traditionnelle photo souvenir. Des collègues de la policière ont expliqué qu'elle croyait à son premier devoir qui est de défendre la loi mais en cas de choix, elle opterait pour ses devoirs religieux. Ce qui fait dire à notre confrère qu'il va être bien difficile pour cette jeune fille de faire son travail de policière. "Comment réagira-t-elle si elle est en face d'un homme pris d'un malaise cardiaque et qu'elle est obligée de lui faire un bouche-à-bouche ? Est-ce qu'elle se déshabillera et se jettera à l'eau pour sauver un homme de la noyade comme on le lui a enseigné ?", interroge-t-il. Il ne faudra pas s'étonner que les Britanniques se méfient des ces musulmans qui veulent bien des avantages sociaux de la citoyenneté mais qui refusent de se mouiller. A. H.(1) Notre amie Raja Benslama s'est étonnée de la propension des Arabes à vouer un culte à leurs tyrans les plus sanguinaires. Comme tous les psychologues amateurs, je suis tenté de chercher des origines arabes au masochisme. (2) Je ne sais pas pourquoi mais de telles réunions me font penser au poème tragicomique de Nicolas Boileau sur la "Bataille du lutrin" qui met en scène des curés de l'autre bord.Ahmed Alli Le soir d'Algérie http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2007/01/29/article.php?sid=48876&cid=8

lundi 15 janvier 2007

Leurs gentils et nos méchants

Il paraît que c'est un commerçant de Tunis qui a permis de mettre en échec les projets d'attentat contre plusieurs bâtiments de la capitale. Cet épicier avait remarqué, en effet, que l'un de ses clients s'était brusquement mis à acheter une quantité inhabituelle de pains. Ses achats quotidiens dépassaient, de loin, les besoins d'une famille. En bon citoyen, soucieux de la stabilité de son pays, il avait informé la police de ce comportement intrigant. C'est ainsi qu'un projet terroriste de grande ampleur a été éventé.C'est sans doute à partir de ce détail que la presse locale a tout de suite désigné la piste algérienne. Tout le monde sait que nous sommes de grands mangeurs de pain.


C'est d'une logique irréfutable et je suis tenté de souscrire pleinement à cette hypothèse tant il est vrai que l'intégrisme ignore les frontières qu'il n'a pas tracées lui-même. Seulement, je trouve que nos frères tunisiens sont par trop imprévisibles et partiaux dans ce domaine. Ils donnent l'impression de suivre les mouvements et les sautes d'humeur de leurs dirigeants bien aimés et même adulés. Au début de l'année, journalistes, syndicalistes et semi-officiels clamaient publiquement leur douleur devant l'exécution de Saddam Hussein. Dans une belle unanimité nationale, suivant un axe s'étendant de Londres à Tunis en passant par Al-Qaïda, la dénonciation a été unanime. Islamistes et républicains islamisants ont fustigé à voix haute la cruauté et l'esprit de vengeance des dirigeants chiites irakiens. On était en face de l'entente retrouvée, au détriment du Maghreb des Etats, alliés contre le terrorisme. Il n'était donc pas question de briser cette belle fraternité en accusant injustement les islamistes tunisiens d'avoir fomenté un complot terroriste. D'ailleurs, ni Londres ni Doha n'ont revendiqué ou approuvé ces actes de violence. Le péril ne pouvait venir que d'ailleurs et c'est d'ailleurs qu'il est venu. Il était hors de propos de stigmatiser les gentils islamistes tunisiens alors que la méchanceté et la cruauté ont une adresse: l'Algérie. Les intégristes tunisiens sont des pacifistes convaincus, contrairement à ces enragés d'Algériens qui ne rêvent que de fleuves de sang. On vous expliquera, ensuite et sur un ton docte, que la Tunisie, autant que le Maroc, n'est pas l'Algérie.

Les Tunisiens sont d'ardents patriotes qui appellent la police au moindre pain suspect. Tandis que les Algériens… tous suspects ! Voyez comment ils traitent leurs assassins de retour des maquis ! Observez la façon dont s'opère la réinsertion des terroristes comme si le pays était retourné aux premières années de l'indépendance ! On raconte même que le chef "repenti", Anouar Haddam, reprendrait des activités publiques. A l'occasion, il pourrait être convié à distribuer des bonbons aux orphelins et aux futurs orphelins de la police. On pense même au siège du Commissariat central d'Alger pour abriter de telles cérémonies du pardon. N'importe quoi ! Ils sont décidément incorrigibles ces Tunisiens ! Ils feraient mieux de s'occuper de la santé de leur président, au lieu de spéculer sur l'avenir du nôtre. Comme s'ils ignoraient que, chez nous, les chefs pensent d'abord à se succéder à eux-mêmes. Ensuite, voyez le roi de France, Louis XIV ! Il y a plusieurs façons de rentrer dans l'histoire et, donc, plusieurs manières de l'écrire. Lorsqu'il s'agit de raconter l'histoire dans les manuels scolaires, les pédagogues font parfois fi de la vérité historique, comme en Egypte. La semaine dernière, j'avais évoqué la façon dont Al- Azhar avait validé une thèse de doctorat vouée à l'excommunication rétroactive. L'argument spécieux mais irréfragable du jury était que la thèse s'appuyait sur une vérité essentielle : l'histoire de l'Egypte a commencé avec l'Islam, à l'exclusion de tout ce qui est antérieur. Il y a quelques jours, l'historienne égyptienne Samah Fawzi a confirmé l'existence de ces absurdités, jusque dans les ouvrages scolaires. Dans le manuel d'histoire d'une classe du primaire, Samah Fawzi relève de quelle manière la mosquée est transformée de lieu de culte, sujet de respect et de dévotion, en terrain de mobilisation et de préparatifs guerriers. La mosquée, peut-on lire, “c'est l'école où les musulmans apprennent tout ce qui concerne leur religion et leur vie terrestre… le lieu où se rassemblent les soldats de Dieu avant de lancer une opération grandiose. C'est, enfin, le monument qui marque la distinction entre la société musulmans et les autres”. La guerre de 1973, par exemple, est présentée, par ailleurs, comme un combat entre juifs et musulmans. La leçon d'histoire exclut, de fait, la participation des coptes d'Egypte et occulte leur existence. “Voici les fortifications de la ligne Bar-Lev. Dieu nous a donné la victoire sur les juifs comme il l'a donnée au Prophète (QSSL) sur les juifs à Médine. Il a fait s'écrouler leurs fortifications sur leurs têtes.” La guerre est donc une guerre religieuse et c'est ce que l'enfant doit apprendre dans ce livre, observe Samah Fawzi. Comme il est spécifié en marge de la leçon, l'objectif est d'enseigner “l'honneur de subir le martyre au service de Dieu” et de mettre en garde contre “la traîtrise et la fourberie des juifs”, hier et aujourd'hui. “C'est ainsi, note l'historienne, que la victoire d'Octobre 1973 est présentée comme une victoire des musulmans sur les juifs. Où est le rôle de nos compatriotes coptes ? Pourquoi traitons- nous toutes choses sous l'angle de la religion. La réalité, les institutions et même l'histoire sont désormais considérées avec un regard religieux. Pourquoi le manuel d'histoire occulte-t-il les éléments arabes et chrétiens dans le conflit avec Israël ? Veut-on laisser entendre aux chrétiens arabes que cette patrie n'est pas la leur, que cette histoire n'est pas la leur et que cet avenir ne leur appartient pas ? Ce qui aura pour effet d'accentuer l'exode des chrétiens vers les pays occidentaux. Avec le temps, la sphère arabe perdra sa pluralité religieuse et la tolérance y disparaîtra. Le rejet de l'autre amènera les musulmans de différents rites à s'entretuer.” “Ces quelques exemples, souligne encore Samah Fawzi, montrent que l'information et l'enseignement recèlent en leur sein des tendances alimentées par les courants de l'islam politique. Ces tendances ne reflètent pas la nature et le fond de la société égyptienne diverse et plurielle. Aussi, ne faut-il pas éluder la responsabilité du gouvernement dans la persistance de telles absurdités. Ce sont ses institutions qui produisent, propagent et consomment ces avatars." Pour mieux mesurer l'ampleur du mal, il faut sans doute méditer cette initiative qui nous vient de Syrie. La Syrie qui serait, à en croire les opposants à Bechar Al- Assad, sur le point de succomber aux charmes du chiisme, sous la férule alaouite. Cela se passe à l'université de Damas. Une commission sur l'écriture de l'histoire s'est donné pour mission de réécrire l'histoire des Arabes avec une approche plus saine et plus réaliste. Selon le promoteur du projet, un certain Abdelkarim Ali, “il ne s'agit pas de réécrire l'histoire pour la modifier. Il s'agit simplement de procéder à la relecture de l'histoire dans ses aspects les plus positifs et dans l'intérêt de la société”. Alors soyons positifs ! Attendons, sans trop d'impatience, le chapitre sur la dynastie des Assad, sans oublier aussi, bien sûr, celui de la présence syrienne au Liban.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie"http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2007/01/15/article.php?sid=48238&cid=8

lundi 8 janvier 2007

"Nichan" et les voleurs de joies

S'il y a une blague à laquelle il faut décerner le titre de blague de l'année 2006 c'est bien celle-ci : des cohortes de défunts se présentent en bon ordre aux portes du paradis. La "Voix" d'en haut interroge l'ange préposé à l'ouverture des portes: "Qui sont ces gens-là ?" "C'est Jésus qui veut faire entrer son peuple au paradis", répond l'ange. "Laisse-les entrer!", commande la "Voix" d'en haut. Arrive ensuite une autre procession.La même question résonne, suivie de la réponse : "C'est Moïse et son peuple." Les portes s'ouvrent devant la deuxième procession. Juste après la fermeture des portes, une immense clameur surgit de loin. Des milliards d'individus avancent, dans un désordre et une cohue indescriptibles, en criant des slogans religieux. On se croirait au rituel de la lapidation du diable. Qu'est-ce que c'est que ce vacarme ? demande la "Voix" d'en haut. L'ange derrière son judas crie à pleine voix pour être entendu : "Ce sont les musulmans, le peuple de Mohamed qui veulent entrer au paradis à la suite de leur Prophète." Alors la voix d'en haut ordonne à l'ange : "Fais entrer Mohamed et referme les portes !" Il y a comme ça des petites histoires humoristiques sur la religion qui ont circulé, tout au long de l'année 2006, jusqu'aux abords des mosquées sans déclencher, pour autant, un tsunami de vertu outragée. Vous connaissez sans doute déjà celle qui mérite le second prix, mais je vous la raconte, pour ceux et celles qui n'ont plus d'oreille. "La chanteuse Cheikha Remiti monte au ciel et se dirige vers l'entrés du paradis, escortée par un chérubin aux anges devant cette distinction. En chemin, ils passent devant l'enfer où rôtissent des chanteurs et des artistes qui ont connu la gloire sur terre. Ces damnés sont scandalisés par le "régime de faveur" consenti à la diva du raï. Ils protestent : "Elle ne mérite pas plus le paradis que nous, sa place est en enfer." Hautaine et méprisante, la chanteuse jette à peine un coup d'œil aux pensionnaires de la géhenne et franchit, imperturbable, les portes du paradis. Le temps passe et, un jour, nos artistes à la jalousie incandescente voient venir vers eux Cheikha Remiti. "Dieu soit loué, s'écrie leur leader qui a amassé une fortune sur terre en faisant commerce de fausses notes et de chants dits patriotiques. Ils t'ont enfin démasquée et ils te renvoient parmi nous, là où tu aurais dû être depuis le début." La chanteuse dévisage avec mépris le chanteur à la voix de crécelle et réplique : "Je sais que tu brûles d'impatience de me voir à tes côtés mais je suis désolée de te décevoir. Je ne suis venue en enfer que pour faire chauffer mon tambourin." En troisième position, je classerais celle-ci, que je garantis, comme authentiquement algérienne, mais que nos voisins nous ont piquée, comme tout le reste d'ailleurs. "Un imam autoproclamé et à moitié analphabète se présente aux portes du paradis. Il s'aperçoit que les candidats au nirvana doivent subir un test de culture générale pour être admis parmi les bienheureux. Arrivé à proximité de "l'examinateur", il peut entendre distinctement les questions posées aux deux défunts qui sont devant lui ainsi que leurs réponses. "Qui a ouvert un passage dans la mer avec sa canne ? interroge l'ange. "C'est Sidna Moussa (Moïse), bien sûr, répond le premier. Le second est interrogé à la suite : "Qui a marché sur l'eau ?" et il répond du tac au tac : "Sidna Aïssa, voyons !" Notre imam se dit que les portes du paradis ne sont pas, décidément, si hermétiques que ça. Il avance à son tour et il écoute la question : "Qui parlait aux animaux ?" Et il répond, triomphant : "Trop facile, c'est Sidna Tarzan, évidemment !" C'est l'histoire que nos voisins marocains se sont appropriée, en remplaçant Tarzan par Mowgli. En publiant cette blague, avec d'autres plus sulfureuses, l'hebdomadaire arabophone Nichan (qui veut dire direct, tout droit) a découvert, à son tour, que les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions. Résultat : la revue a été suspendue sine die et tout ce que le Maroc recèle d'indignation contenue a déferlé sur les animateurs du périodique. Au départ, l'intention du journal était pertinente et louable : il s'agissait de montrer que le peuple musulman marocain savait rire de lui-même, de ses faux apôtres et de ses dirigeants déconsidérés. Malheureusement, le florilège contenait quelques "nouktas" assez croustillantes qui ont provoqué la mobilisation générale contre Nichan. L'hebdo croyait faire plaisir à ses lecteurs et les égayer pour finir l'année en beauté, mais les voleurs de joies étaient à l'affût. On a eu droit aussi à des plaisanteries de mauvais goût, comme celle que nous a offerte Al-Azhar pour clôturer 2006. Je ne parle pas des démonstrations de karaté organisées par les étudiants, Frères musulmans sur le campus. Il y a des phénomènes plus dangereux comme cette thèse de doctorat en théologie qui excommunie les vivants et surtout les morts. Une perspective qu'appréhendait Naguib Mahfouz avant sa mort : être déclaré apostat à titre posthume. Selon le quotidien koweïtien Al-Watan, cette thèse validée, bien sûr, par Al-Azhar, voue aux gémonies des journalistes et des écrivains célèbres. En tête des apostats, post mortem, figure la fondatrice de la revue Rose-al-Youssef, Fatma Al- Youssef. Son fils, le grand écrivain Ihsane Abd el - Qodous, est aussi dans la charrette, pour faire bonne mesure. L'auteur de la thèse, dont le nom n'est pas divulgué, condamne aussi Mahmoud Abbès Al-Akkad qui n'était pourtant pas un laïc intransigeant. Le célèbre journaliste et historien Hassanein Heykal est lui aussi excommunié de son vivant. La thèse excommunicatrice reproche entre autres à la revue Rose-al-Youssef de défendre la civilisation des pharaons, mécréants et idolâtres. Quant à la fondatrice du journal, elle a, en tant que femme, enfreint la Charia en sortant de chez elle pour aller travailler. Le pire dans tout cela, note Al-Watan, c'est que les membres du jury ont approuvé les idées énoncées sur la période pharaonique. Pour eux, l'histoire de l'Egypte a commencé avec l'Islam et tout ce qui lui est antérieur est caduc. On peut imaginer le mal que peut faire l'auteur de cette thèse, après avoir obtenu son doctorat et s'être ouvert les portes de l'enseignement. Revenons, enfin, sur la très mauvaise plaisanterie commise par l'alliance américano-irakienne qui a volé aux Arabes et aux musulmans une fête qu'ils ne sont pas près de récupérer. Je suis encore sous le coup de la stupeur et de l'horreur suscitées par le "spectacle" de l'exécution de Saddam. N'ayant jamais été un chaud sympathisant du dictateur irakien, j'ai été beaucoup plus troublé par la vue de cet homme et le mépris qu'il a affiché vis-à-vis de sa propre mort. Bien sûr, les grands militants de la cause arabe, dont j'observe les navrantes gesticulations, crieront au courage et à l'héroïsme. Pour ma part, je ne peux m'empêcher de penser qu'il a été exécuté, seulement, pour avoir tué 128 personnes alors que ses victimes se comptent par milliers. Bush et ses alliés irakiens se sont épargné les frais d'autres procès, mais ils ont enfoncé encore plus la graine de la colère et de la révolte dans l'humus arabe. Aujourd'hui, en Irak, il y a une guerre ouverte entre un chiisme revanchard et un sunnisme qui tire sa force de l'exaltation mystique de ses adeptes. Cette guerre entre deux intégrismes risque de durer longtemps. Et si l'un des deux camps l'emportait, il déclencherait ce choc frontal des civilisations, le seul rêve à deux que font Bush et Karadhaoui. Vous devinez aisément qui seront les vaincus de la confrontation.A. H.
S'il y a une blague à laquelle il faut décerner le titre de blague de l'année 2006 c'est bien celle-ci : des cohortes de défunts se présentent en bon ordre aux portes du paradis. La "Voix" d'en haut interroge l'ange préposé à l'ouverture des portes: "Qui sont ces gens-là ?" "C'est Jésus qui veut faire entrer son peuple au paradis", répond l'ange. "Laisse-les entrer!", commande la "Voix" d'en haut. Arrive ensuite une autre procession.La même question résonne, suivie de la réponse : "C'est Moïse et son peuple." Les portes s'ouvrent devant la deuxième procession. Juste après la fermeture des portes, une immense clameur surgit de loin. Des milliards d'individus avancent, dans un désordre et une cohue indescriptibles, en criant des slogans religieux. On se croirait au rituel de la lapidation du diable. Qu'est-ce que c'est que ce vacarme ? demande la "Voix" d'en haut. L'ange derrière son judas crie à pleine voix pour être entendu : "Ce sont les musulmans, le peuple de Mohamed qui veulent entrer au paradis à la suite de leur Prophète." Alors la voix d'en haut ordonne à l'ange : "Fais entrer Mohamed et referme les portes !" Il y a comme ça des petites histoires humoristiques sur la religion qui ont circulé, tout au long de l'année 2006, jusqu'aux abords des mosquées sans déclencher, pour autant, un tsunami de vertu outragée. Vous connaissez sans doute déjà celle qui mérite le second prix, mais je vous la raconte, pour ceux et celles qui n'ont plus d'oreille. "La chanteuse Cheikha Remiti monte au ciel et se dirige vers l'entrés du paradis, escortée par un chérubin aux anges devant cette distinction. En chemin, ils passent devant l'enfer où rôtissent des chanteurs et des artistes qui ont connu la gloire sur terre. Ces damnés sont scandalisés par le "régime de faveur" consenti à la diva du raï. Ils protestent : "Elle ne mérite pas plus le paradis que nous, sa place est en enfer." Hautaine et méprisante, la chanteuse jette à peine un coup d'œil aux pensionnaires de la géhenne et franchit, imperturbable, les portes du paradis. Le temps passe et, un jour, nos artistes à la jalousie incandescente voient venir vers eux Cheikha Remiti. "Dieu soit loué, s'écrie leur leader qui a amassé une fortune sur terre en faisant commerce de fausses notes et de chants dits patriotiques. Ils t'ont enfin démasquée et ils te renvoient parmi nous, là où tu aurais dû être depuis le début." La chanteuse dévisage avec mépris le chanteur à la voix de crécelle et réplique : "Je sais que tu brûles d'impatience de me voir à tes côtés mais je suis désolée de te décevoir. Je ne suis venue en enfer que pour faire chauffer mon tambourin." En troisième position, je classerais celle-ci, que je garantis, comme authentiquement algérienne, mais que nos voisins nous ont piquée, comme tout le reste d'ailleurs. "Un imam autoproclamé et à moitié analphabète se présente aux portes du paradis. Il s'aperçoit que les candidats au nirvana doivent subir un test de culture générale pour être admis parmi les bienheureux. Arrivé à proximité de "l'examinateur", il peut entendre distinctement les questions posées aux deux défunts qui sont devant lui ainsi que leurs réponses. "Qui a ouvert un passage dans la mer avec sa canne ? interroge l'ange. "C'est Sidna Moussa (Moïse), bien sûr, répond le premier. Le second est interrogé à la suite : "Qui a marché sur l'eau ?" et il répond du tac au tac : "Sidna Aïssa, voyons !" Notre imam se dit que les portes du paradis ne sont pas, décidément, si hermétiques que ça. Il avance à son tour et il écoute la question : "Qui parlait aux animaux ?" Et il répond, triomphant : "Trop facile, c'est Sidna Tarzan, évidemment !" C'est l'histoire que nos voisins marocains se sont appropriée, en remplaçant Tarzan par Mowgli. En publiant cette blague, avec d'autres plus sulfureuses, l'hebdomadaire arabophone Nichan (qui veut dire direct, tout droit) a découvert, à son tour, que les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions. Résultat : la revue a été suspendue sine die et tout ce que le Maroc recèle d'indignation contenue a déferlé sur les animateurs du périodique. Au départ, l'intention du journal était pertinente et louable : il s'agissait de montrer que le peuple musulman marocain savait rire de lui-même, de ses faux apôtres et de ses dirigeants déconsidérés. Malheureusement, le florilège contenait quelques "nouktas" assez croustillantes qui ont provoqué la mobilisation générale contre Nichan. L'hebdo croyait faire plaisir à ses lecteurs et les égayer pour finir l'année en beauté, mais les voleurs de joies étaient à l'affût. On a eu droit aussi à des plaisanteries de mauvais goût, comme celle que nous a offerte Al-Azhar pour clôturer 2006. Je ne parle pas des démonstrations de karaté organisées par les étudiants, Frères musulmans sur le campus. Il y a des phénomènes plus dangereux comme cette thèse de doctorat en théologie qui excommunie les vivants et surtout les morts. Une perspective qu'appréhendait Naguib Mahfouz avant sa mort : être déclaré apostat à titre posthume. Selon le quotidien koweïtien Al-Watan, cette thèse validée, bien sûr, par Al-Azhar, voue aux gémonies des journalistes et des écrivains célèbres. En tête des apostats, post mortem, figure la fondatrice de la revue Rose-al-Youssef, Fatma Al- Youssef. Son fils, le grand écrivain Ihsane Abd el - Qodous, est aussi dans la charrette, pour faire bonne mesure. L'auteur de la thèse, dont le nom n'est pas divulgué, condamne aussi Mahmoud Abbès Al-Akkad qui n'était pourtant pas un laïc intransigeant. Le célèbre journaliste et historien Hassanein Heykal est lui aussi excommunié de son vivant. La thèse excommunicatrice reproche entre autres à la revue Rose-al-Youssef de défendre la civilisation des pharaons, mécréants et idolâtres. Quant à la fondatrice du journal, elle a, en tant que femme, enfreint la Charia en sortant de chez elle pour aller travailler. Le pire dans tout cela, note Al-Watan, c'est que les membres du jury ont approuvé les idées énoncées sur la période pharaonique. Pour eux, l'histoire de l'Egypte a commencé avec l'Islam et tout ce qui lui est antérieur est caduc. On peut imaginer le mal que peut faire l'auteur de cette thèse, après avoir obtenu son doctorat et s'être ouvert les portes de l'enseignement. Revenons, enfin, sur la très mauvaise plaisanterie commise par l'alliance américano-irakienne qui a volé aux Arabes et aux musulmans une fête qu'ils ne sont pas près de récupérer. Je suis encore sous le coup de la stupeur et de l'horreur suscitées par le "spectacle" de l'exécution de Saddam. N'ayant jamais été un chaud sympathisant du dictateur irakien, j'ai été beaucoup plus troublé par la vue de cet homme et le mépris qu'il a affiché vis-à-vis de sa propre mort. Bien sûr, les grands militants de la cause arabe, dont j'observe les navrantes gesticulations, crieront au courage et à l'héroïsme. Pour ma part, je ne peux m'empêcher de penser qu'il a été exécuté, seulement, pour avoir tué 128 personnes alors que ses victimes se comptent par milliers. Bush et ses alliés irakiens se sont épargné les frais d'autres procès, mais ils ont enfoncé encore plus la graine de la colère et de la révolte dans l'humus arabe. Aujourd'hui, en Irak, il y a une guerre ouverte entre un chiisme revanchard et un sunnisme qui tire sa force de l'exaltation mystique de ses adeptes. Cette guerre entre deux intégrismes risque de durer longtemps. Et si l'un des deux camps l'emportait, il déclencherait ce choc frontal des civilisations, le seul rêve à deux que font Bush et Karadhaoui. Vous devinez aisément qui seront les vaincus de la confrontation.A. H.


Ahmed Alli" Le soir d'Algérie"http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2007/01/08/article.php?sid=47926&cid=8

La pantalonnade de Farouk Hosni

Farouk Hosni ne s'est pas rétracté et ne s'est pas excusé pour ses propos sur le voile. Il n'a pas, non plus, confirmé et répété ses propos. La hardiesse a ses limites, celles que bornent des théologiens et des dirigeants politiques qui affectionnent la prise en étau des libertés. Le ministre égyptien de la Culture n'a pas obtempéré aux injonctions des intégristes du Parlement en reniant ses déclarations.
Il s'est néanmoins excusé auprès de celles qui portent le hidjab et à qui il affirme vouer le plus profond respect. Samedi dernier, lors d'une réunion informelle avec des députés, Farouk Hosni s'est à nouveau excusé auprès des "moutahadjibate" et des "mouhadjabate" (1). Il a affirmé n'avoir aucune intention agressive envers ces territoires de défense passive. "Mes propos ont été mal interprétés, dit-il, et mon intention n'était pas de m'attaquer aux prescriptions religieuses". Des "précisions" qui s'adressaient sans doute aux Frères musulmans dont les représentants avaient boycotté la réunion. Ministre d'un pays où la marche arrière est une manœuvre de routine, Farouk Hosni est également revenu sur sa critique des "cheikhs à trois millièmes". Il ne visait que les charlatans et les marchands qui font fetwas de tout. Ses attaques n'étaient pas destinées aux "cheikhs" agréés. Ce qui est, bien sûr, le cas de 90% des "cheikhs à trois millièmes". Quant à démissionner, c'est hors de question. Farouk Hosni s'est dit "éreinté" par ses fonctions de ministre de la Culture mais il ne quittera pas l'attelage. Autrement dit : il ne lâchera pas le portefeuille. Ceci, en prélude à la séance de questions orales que le ministre devait subir hier au Parlement. Est-ce à dire que Farouk Hosni s'est livré à cette pantalonnade dans le seul but de s'attirer les sympathies des intellectuels et artistes égyptiens, très critiques à l'égard de sa gestion ? Si tel était son objectif, il aura amplement réussi au vu des réactions de ces milieux qui se sont mobilisés pour la défense de Farouk Hosni. C'est le toujours jeune Djamal Al-Bana (2) qui a pris la tête de cette contre-offensive. Dans un premier temps, il a brandi des arguments religieux pour répondre aux attaques de la coalition des intégristes et des opportunistes. Il a, ensuite, transposé le débat sur le plan politique avec une série d'articles dans lesquels il interpelle les parlementaires égyptiens. Dans le quotidien Al-Misri-alyoum ( L'Egyptien aujourd'hui), Djamal Al-Bana invite les députés à s'intéresser au scandale de la torture en Egypte, tel qu'il a été révélé récemment par ce quotidien. Il cite des exemples de tortures les plus sauvages pratiquées dans les locaux de la police égyptienne. "Voilà la véritable atteinte à la loi de Dieu et à la dignité du peuple d'Egypte, leur dit-il. Que faites-vous, élus du peuple, de ce peuple qui vous a confiés l'honneur de le représenter, de le défendre et de protéger sa dignité ? Qui dira sa colère pour la dignité du peuple offensé ? Qui criera à la face du Très Haut sa colère devant ce crime ignoble et cette agression contre la dignité commise par des gens qui ont pour tâche de la défendre et de combattre le crime ?" Toujours à l'adresse des députés, Djamal Al-Bana les exhorte à retrousser les manches et à débarrasser les rues du Caire de toutes les ordures qui les encombrent. "Ce sont ces immondices qui sont le véritable hidjab de l'Egypte et c'est sans doute pour cela que les députés du parti au pouvoir et des Frères musulmans ne protestent jamais." Et Djamal Al-Bana d'ajouter : "La femme qui croit que l'Islam c'est le hidjab et l'homme qui pense que la barbe c'est l'Islam portent tous deux atteinte à l'Islam. Ils font montre d'une très grande naïveté. Le port de la barbe était de mise à une époque ancienne ; la barbe de Karl Marx et de Darwin est la même que celle que l'on voit actuellement sur les chaînes satellitaires. Tous les hommes et toutes les femmes de l'univers recouvraient leurs têtes pour les protéger de la poussière, du vent ou de la pluie. C'est une question de mode vestimentaire et de climat et non pas une question de religion et de foi. Il n'y a pas dans le Coran un verset en rapport avec le vêtement en dehors de celui qui dit : "Qu'elles rabattent leurs voiles." Et c'est le verset qui fait référence au costume que portait la femme arabe dans la Djahilia. C'est-à-dire que ce n'est pas l'Islam qui l'a amené et qui l'a ordonné. Il était déjà là". De son côté, l'écrivain et scénariste Wahid Hamed rappelle que "lorsque le vicaire général des Frères musulmans avait dit "toz à l'Egypte et à ses habitants", personne n'a cillé. Que ce soit dans les rangs des frères ou à l'intérieur du Parlement qui a provoqué une tempête à cause des paroles d'un ministre qui est, par ailleurs, libre de dire ce qu'il veut. L'Egypte, ajoute-t-il, est aujourd'hui otage d'un scorpion, le parti national au pouvoir et d'une vipère, le mouvement des Frères musulmans. Toujours dans le même quotidien, notre confrère Ahmed Taha Nakr commence par cette anecdote : "Il y a une quarantaine d'années, il y avait dans notre village un voleur sympathique appelé Tarboucha. Il se considérait comme un homme de principes parce qu'il ne volait pas dans son propre village mais dans les contrées environnantes. Il opérait durant toute la nuit, au point qu'à l'appel de la prière de l'aube, il était le premier à entrer dans la mosquée. Et lorsque les villageois se moquaient de son attitude contradictoire, il leur répétait sa sempiternelle fetwa qui se résumait à ceci: accomplis l'obligation de la prière et fais ensuite ce que tu veux.". "Je me suis rappelé cette histoire en observant la religiosité ostentatoire que nous vivons et la "farce du hidjab" qui se joue dans notre honorable Parlement". "En fait, tous ces comportements sont une conséquence de l'offensive intégriste wahhabite sur l'Egypte", dit Ahmed Taha Nakr qui estime que l'affaire Hosni sert simplement d'écran de fumée à cette offensive. Pour lui, le ministre de la Culture a géré de façon catastrophique le patrimoine archéologique et culturel de l'Egypte. "Vient ensuite la "mère des catastrophes" lorsque le ministre de la Culture est revenu à son bureau non pas en hidjab mais avec un niqab. Elle sera de fait un tribunal de l'inquisition pour inspecter les esprits et les consciences. Elle constituera la première pierre angulaire dans la fondation de l'Etat islamique. Il ne restera plus alors qu'à constituer des groupes de "volontaires" qui bastonneront les jeunes filles pour les obliger à porter le niqab. C'est ainsi que le ministre qui n'aime pas le hidjab a adopté le niqab de son plein gré. Triste et sombre épilogue pour un ministre qui prétendait être un défenseur de la liberté". Alors, Farouk Hosni est-il le courageux ministre unanimement salué ou le prédateur que décrit notre confrère? A vous de juger ! A. H.

(1) Petite halte lexique : une "moutahadjiba", forme active, c'est quelqu'un qui croit que l'idée de porter le hidjab a germé dans sa tête et sans influences extérieures. Une "mouhadjaba", forme passive, croit, par contre, que le hidjab lui a été imposé pour son bien et que la soumission à Dieu passe par l'obéissance à l'homme.

(2) Djamal Al-Bana est le frère cadet de Hassan Al- Bana, fondateur du mouvement des Frères musulmans qui campe actuellement dans les allées du pouvoir en Egypte et ailleurs. C’est l’écrivain islamiste Fahmi Howeidi qui a dénoncé les faits dans un article publié par Al-Misri- Al-youm. Al-Ahram dont il est le chroniqueur attitré avait refusé de publier cet article. Cette dénonciation de la torture ne signifie pas forcément qu'il n'y a pas d'islamistes tortionnaires dans la police.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie "http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/12/04/article.php?sid=46607&cid=8

Sous le voile, la sécurité nationale

Signe des temps, des étudiantes d'Assiout, en Haute- Egypte, ont manifesté vendredi dernier pour la défense du voile. L'objectif de cette manifestation, aux slogans inspirés, n'était pas tant d'affirmer la primauté du voile que de protester contre les déclarations de Farouk Hosni. Ce dernier avait défrayé la chronique, il y a une dizaine de jours, en se prononçant contre le port du hidjab.Si c'était là un ballon d'essai pour tester les réactions des Egyptiens, le résultat est concluant : le parti du hidjab est majoritaire sinon en voix du moins en décibels. Farouk Hosni, le sémillant ministre égyptien de la Culture, se courbe sous la tempête mais ne rompt pas pour l'instant. Son sort paraît être suspendu à une décision du président Moubarak. Lui seul a le pouvoir de maintenir ou de démettre un ministre. En attendant, le Parti national au pouvoir s'est retrouvé en phase avec le mouvement des Frères musulmans. Ce n'est pas seulement au palais Zirout-Youcef que les barbéfélènes" (1) prennent d'assaut les travées islamistes. Farouk Hosni a vu se détourner de lui ou se retourner contre lui la plupart des barons du régime. S'il y avait un prix du meilleur coup de poignard dans le dos, il irait sans conteste au président de la commission des affaires religieuses et sociales du Parlement. Le Dr Omar Hachem, c'est son nom, est membre du parti au pouvoir et ancien président de la mosquée-université Al-Azhar. Cette question (du hidjab) ne regarde pas seulement les femmes ou les institutions religieuses mais elle touche à la sécurité nationale" (!!!). Ainsi donc, en s'attaquant au hidjab, farouk Hosni a mis à nu une pièce maîtresse du système de sécurité égyptien. Au rythme de ces dérives vers l'absurde, ce morceau de tissu relèvera bientôt du secret défense. Ces propos ont fait réagir notre confrère Sammy Buhairi, député au Parlement de Bahreïn (2) et néanmoins chroniqueur au magazine Elaph. Dans un élan sarcastique, il énumère tous les problèmes graves que connaît l'Egypte et qui sont relégués à l'arrière-plan par le hidjab, "problème de sécurité nationale numéro un". Citons quelques-uns : - Des millions de jeunes chômeurs en Egypte, ce n'est pas une question de sécurité nationale, le hidjab est plus important. - La menace israélienne d'attaquer l'Egypte pour stopper l'acheminement d'armes vers Ghaza ne relève pas de la sécurité nationale, le hidjab est plus important. - L'existence de cellules terroristes dans le désert du Sinaï n'est pas un problème de sécurité nationale, le hidjab c'est plus important. - La disparition des réserves de pétrole dans 15 ans sans autres énergies de substitution est une question qui ne touche pas à la sécurité nationale. Le hidjab est plus important. "Aucune voix ne doit surpasser celle du hidjab", note Sammy Buhairi à l'issue de cette longue énumération des plaies de l'Egypte. S'adressant à Farouk Hosni, il lui exprime son admiration pour son courage. "Malheureusement, lui dit-il, tu nages contre un courant global et impétueux qui considère le hidjab comme un problème de sécurité nationale. C'est un courant qui nous invente des religions autres que celles qu'on nous a enseignées. Il semble qu'ils nous aient menti à l'école en nous apprenant que l'Islam était basé sur cinq piliers : la Shahada (profession de foi), la prière, la zakat (aumône), le jeûne du Ramadhan, le hadj (pèlerinage). Il apparaît que le sixième pilier, le hidjab, a sauté par inadvertance à une époque mais il revient aujourd'hui avec force. Et pourquoi pas ? Puisqu'il "touche à la sécurité nationale". Dans le même sillage, l'Egyptien Khaled Mountassar s'indigne des attaques menées contre Farouk Hosni et qui relèvent selon lui du lynchage. "Cette mise à mort morale illustre parfaitement le danger qui plane sur l'Etat moderne dans lequel le climat d'hystérie est tel qu'on ne distingue plus le nationaliste du frère musulman. Tout le monde a lâché le ministre (de la Culture), même le journal Al-Kahira, réputé proche de Son Excellence (le président Moubarak) n'a pas écrit une seule ligne sur l'affaire. Comme si le ministre était un simple commis au centre culturel de Micronésie". D'entrée, Khaled Mountassar porte le fer dans la plaie : il se demande s'il ne faut pas juger le khalife Omar comme on est en train de juger Farouk Hosni et il argumente : "Si, comme vous le dites, le hidjab a été imposé comme devoir religieux pour propager la vertu et proscrire la discorde (fitna), et si son objectif est de protéger la pudeur, pourquoi le khalife Omar Ibn Al-Khattab a-t-il interdit aux esclaves et aux servantes de porter le hidjab? " Pour étayer son propos, Khaled Mountassar cite un fait rapporté par plusieurs chroniqueurs : lorsqu'il se promenait dans la ville et qu'il rencontrait une esclave portant le hidjab, le khalife Omar l'obligeait à le retirer en s'aidant de son célèbre nerf de boeuf. Il leur interdisait de vouloir ressembler ainsi aux femmes libres. On raconte aussi que les servantes du khalife Omar vaquaient à leurs occupations la tête nue. "Si le hidjab a été imposé par respect pour la pudeur, pourquoi en priver une pauvre servante ? interroge notre confrère. Manque-t-elle à ce point de dignité et peut-on tout se permettre avec elle ? Vous dites que le hidjab est un élément de pudeur et de piété et qu'il empêche les débauchés de s'attaquer aux femmes ; pourquoi en privez-vous alors les esclaves et les servantes, même lorsqu'elles sont pudiques et pieuses ? Ou bien considérez-vous que tout est permis avec elles, qu'elles n'ont pas d'honneur et qu'elles sont infra-humaines ?" Comme pour nous faire échapper à ce débat d'un autre âge, Khaled Mountassar nous propose la lecture d'un livre qui vient de paraître en Egypte et qui traite des 100 plus célèbres rumeurs propagées dans le pays. Ce livre est l'œuvre d'un jeune journaliste qui considère appartenir à une génération qui voue à la fois de l'amour et de la haine pour son propre pays. On apprend donc que l'Egypte est le seul pays où ce sont les morts qui font vivre les vivants (ce sont les pharaons, bien entendu). C'est seulement en Egypte que vous trouvez un quartier entier qui s'alimente de façon frauduleuse à l'électricité (3). Un ministre qui "cancérise" le peuple puis se présente aux élections sous l'étiquette du parti au pouvoir, c'est en Egypte aussi. On ne colle les affiches que là où il y a un panneau "défense d'afficher ". L'Egypte est le seul pays au monde où vous verrez un homme grand et fort s'arrêter sous un pont, tournant le dos à la rue et faisant ce que font les autres (4). Quant aux rumeurs, elles vont du réalisme au surnaturel. Parmi les plus courues, on trouve celle de l'acteur Salah Kabil retrouvé hors de son tombeau. Il y a aussi l'histoire de cette jeune fille "impudique" (qui ne porte pas le hidjab) et qui est morte carbonisée dans un microbus parce qu'elle raillait la tenue "engagée". Comme on le voit, nous n'avons pas trop à envier à l'Egypte. Excepté Farouk Hosni, de grands écrivains et intellectuels et des capacités de résistance que nous n'avons plus. A. H.

(1) Je dois rappeler sans doute que l'expression est de notre excellent confrère et ami Mohamed Hamdi, que Dieu lui prodigue santé et longévité.
(2) J'espère, au passage, qu'il a été réélu aux législatives qui se sont déroulées samedi dernier dans l'émirat.
(3) C'est aussi l'argument qu'utilise Sonelgaz pour justifier les pannes fréquentes dans mon quartier. Il y a des gens qui volent de l'électricité. J'ai essayé de vérifier : impossible de voler le moindre kilowatt dans cet îlot. A moins que mes voisins du cimetière…
(4) Chez nous, ils sont petits, maigres, vindicatifs et ils font ça dans les cages d'escalier.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie"http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/11/27/article.php?sid=46312&cid=8

Restez couvert, Monsieur le Ministre !

Farouk Hosni est depuis près de vingt ans l'inamovible ministre de la Culture de l'Egypte. Quoique servant de paravent bon chic bon genre à un régime autoritaire et répressif, Farouk Hosni est (était) un ami des arts et des lettres respecté. C'est un peu grâce à lui que les créateurs égyptiens les plus hardis ont pu s'exprimer, aussi bien en littérature qu'au cinéma. Homme de culture reconnu aussi bien dans son pays qu'à l'étranger, Farouk Hosni est sans doute le seul ministre de Moubarak à avoir échappé au désastre collectif.Pourtant, en septembre 2005, il a failli être emporté par les retombées de l'incendie d'un théâtre à Beni-Souif. Le théâtre de la ville avait accidentellement brûlé, lors d'une représentation. Une quarantaine de personnes, parmi lesquelles des comédiens et des critiques, avaient trouvé la mort dans l'incendie. Après le drame qui avait soulevé un grand émoi dans le pays, la responsabilité de Farouk Hosni avait été mise en cause. Des intellectuels progressistes comme l'écrivain Djamal Ghitani avaient dénoncé sa gestion et demandé qu'il soit démis de ses fonctions. Il avait alors préféré démissionner plutôt que de continuer à subir des attaques injustifiées à cause d'un accident imprévisible. Moubarak avait cependant refusé de se séparer de sa caution intellectuelle et Farouk Hosni avait été maintenu à son poste. Cette fois-ci les choses risquent de tourner autrement. Farouk Hosni s'est attaqué la semaine dernière à un morceau de tissu érigé en totem, le hidjab. Dans une déclaration au quotidien Al-Masri Al-Youmdu jeudi 16 novembre, Farouk Hosni a osé ce qu’aucun ministre du Machrek ou du Maghreb n'a pu seulement imaginer. Il s'est attaqué au sacro-saint hidjab affirmant qu'il représentait "un retour en arrière, une régression". "On ne doit pas cacher une chevelure de femme belle comme une rose, a-t-il dit avant de noter que "la religion, aujourd'hui, est réduite aux signes extérieurs alors que la relation de foi entre Dieu et sa créature n'a rien à voir avec l'habit". "La pudeur de la femme est une question de conviction interne, elle ne réside pas dans son apparence extérieure, a ajouté Farouk Hosni. Il faut que l'Egypte redevienne belle comme elle l'était et qu'elle cesse d'imiter les Arabes qui considéraient, à une certaine époque, l'Egypte comme une partie de l'Europe". Et d'ajouter : "Nous avons vécu avec nos mères qui nous ont élevés et éduqués tout en allant à l'université ou au travail sans hidjab. Pourquoi revenons-nous aujourd'hui en arrière? Des crimes se commettent aujourd'hui au nom du hidjab et du niqab. Le monde va de l'avant et nous ne progresserons pas tant que nous continuerons à penser de façon rétrograde et à aller écouter des fetwas de cheikhs à "trois millimes". Nous avons même perdu ces voix mélodieuses qui appelaient à la prière dans les mosquées. Nous entendons aujourd'hui des voix qui sont parmi les plus horribles qui soient". Farouk Hosni a, d'autre part, rappelé que lors de sa visite récente au Qatar et à Bahreïn, il a pu noter que les Etats arabes faisaient des progrès en matière d'organisation, de propreté. "Même les femmes commencent à découvrir leurs visages, alors que nous revenons en arrière et que nous les dissimulons. Un Etat comme Singapour commence à rivaliser avec la Chine et avec l'Inde. Cet Etat n'a pourtant que cent ans d'existence. Pendant ce temps, nous restons sur place bien que nous ayons une civilisation qui remonte à cinq mille ans". Farouk Hosni a, enfin, enfoncé le clou en affirmant que le ministère de la Culture et ses représentants devaient être le rempart principal contre la propagation de ces idées. Immédiatement, les "trompettes de Jéricho" de l'establishment islamiste ont résonné sous les murs du ministère de la Culture. La meute, emmenée par la chaîne qatarie Al-Jazira s'est déchaînée contre Farouk Hosni. La télévision satellitaire a interrogé les "bons" clients de la rue égyptienne, huit hommes et une femme en hidjab, l'égalité parfaite. Tous ont chanté la vertu irremplaçable du hidjab. Dans toute la ville du Caire, les caméras de la chaîne n'ont pas trouvé un seul "échantillon" populaire pour soutenir Farouk Hosni. Des voix se sont fait entendre au Parlement et chez les Frères musulmans pour dénoncer cette atteinte intolérable au dogme proclamé. L'un des porte-voix de la mouvance islamiste a déclaré que le ministre de la Culture devait démissionner puisqu'il s'oppose au voile que portent la majorité des Egyptiennes. Jusqu'ici, Farouk Hosni n'a pas exprimé son intention de démissionner mais s'est dit prêt à se soumettre à un vote de confiance du Parlement. Devant la virulence des réactions, il a cependant tempéré ses propos en précisant qu'il respectait les femmes voilées. Il a donné pour preuve le fait que de nombreuses femmes en hidjab étaient employées dans son ministère et étaient traitées sur un pied d'égalité avec les autres. Celui qui risque d'être d'un moment à l'autre, un ex-ministre de la Culture a fait un nouveau pas en arrière. Il n'a fait qu'exprimer son opinion personnelle et il n'a pas fait de commentaire sur le caractère religieux ou non du hidjab. Cette fois-ci Farouk Hosni n'affronte pas une mobilisation d'intellectuels indignés par l'incendie meurtrier d'un théâtre. Il a affaire à une oligarchie qui resserre sa mainmise sur la société et n'entend pas rouvrir des portes scellées à jamais. Toutefois, les partisans de Farouk Hosni persistent et signent. Les propos de Hosni sur le voile "sont une preuve de courage", affirme l'écrivaine Iqbal Baraka, farouche opposante au hidjab. "Il a le droit d'exprimer son opinion et nul n'a le droit de l'attaquer pour cette raison, dit-elle. Le hidjab est un retour à l'obscurantisme et un signe d'arriération intellectuelle", a-t-elle ajouté. De son côté, l'écrivain Youssef Al-Qa'id exprime la même opinion et se dit en plein accord avec les propose du ministre égyptien de la Culture. "Le hidjab est une graine plantée par le défunt président Anouar Sadate dans les années soixante-dix du siècle dernier, selon Al-Qa'id. Le danger n'est pas dans le bout de tissu qu'est le hidjab mais dans le voile mental que s'imposent certaines femmes aujourd'hui. Le hidjab est sur le point de diviser la société en deux de sorte que la femme qui ne le porte pas est considérée comme chrétienne jusqu'à preuve du contraire. Et Youssef Al-Qa'id de citer en exemple le cas de sa propre fille qui ne porte pas le voile et qui est souvent en butte à des questions sur sa religion. "Les canons de l'Islam sont au nombre de cinq et le hidjab n'y figure pas. Il a été imposé aux épouses du Prophète et aux croyantes afin que les mécréants ne les reconnaissent pas", souligne encore l'écrivain. Même ton chez Oussama Anour Okacha : "L'Egypte vivait depuis la conquête musulmane un Islam modéré et tolérant jusqu'à ce qu'à son invasion par les mouvances "djihadistes" et leurs tentatives de "wahhabiser" la culture égyptienne et d'en effacer les repères." Pour sa part, le penseur Djamal Al- Bana se dit étonné par l'agitation créée autour des déclarations de farouk Hosni. Il critique vertement ceux qui défendent le hidjab les accusant de vouloir "emprisonner l'Islam dans le hidjab et de confiner la religion dans un mètre carré de tissu". C'est sans doute à cause de ce mètre carré de tissu que l'Egypte risque de perdre un bon ministre de la Culture. S'il réussit à s'en sortir, Farouk Hosni devra réapprendre les règles de longévité dans un gouvernement arabe d'aujourd'hui. Pour durer, un ministre doit sortir couvert, c'est-à-dire arborer la calotte du bon pratiquant et porter le bâillon invisible qui va avec.A. H.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie" http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/11/20/article.php?sid=45991&cid=8

Croyances et superstitions libanaises

Ce n'est pas le moindre des paradoxes de ce royaume: l'Arabie saoudite qui vient de produire son premier long métrage de fiction ne possède aucune salle de cinéma (1). Conséquence de ceci: la "première" du film Comment ça va?, a eu lieu à Dubaï, l'Emirat voisin, jeudi dernier. Le film qui se veut être un regard critique sur la société saoudienne, est produit par la société Rotana.
Cette entreprise de production audiovisuelle a sous sa coupe les plus grands noms de la chanson arabe dont elle diffuse les clips sur son réseau TV. Rotana appartient au prince milliardaire saoudien Walid Ibn Tallal qui symbolise le Wahhabisme à visage humain. Il incarne pour l'Occident et pour nombre de ses concitoyens la volonté d'ouverture de la monarchie saoudienne. Le film Comment ça va? raconte l'histoire d'un jeune chômeur saoudien qui essaie de s'en sortir en créant une salle de théâtre d'essai dans un des quartiers de Ryadh. Il affronte, de ce fait, l'opposition acharnée d'une autorité religieuse influente qui veut empêcher la réalisation du projet. Le principal argument utilisé contre le jeune homme est celui de propager la dépravation des mœurs. Le correspondant du magazine Elaph à Dubaï, note que le film Comment ça va? a été réalisé pour dire que "rien ne va". C'est une pierre jetée dans le jardin saoudien par le "Prince faiseur de tempêtes", comme le surnomment les médias du Golfe. Ceci dit, le film ne casse pas trop de cloisons. S'il pose le problème de la conduite d'une voiture automobile par les femmes, c'est en termes supplétifs. La femme au volant devient une nécessité au cas où le chef de famille (le mari?) serait indisponible. Cependant, l'intérêt de cette projection hors normes est de ramener au premier plan un Emirat comme celui de Dubaï qui constitue une véritable source d'oxygène pour la jeunesse saoudienne. La majorité des spectateurs de la "première" de ce film est venue d'ailleurs que d'Arabie saoudite. Dans la file d'attente aux caisses, on a pu remarquer des saoudiennes, avec leur "Abaya" noire mais le visage découvert. L'une d'elles a exprimé de voir les mêmes gestes se reproduire un jour devant un cinéma à Ryadh. Récemment, le ministre saoudien de la Culture et de l'Information, Iyad Madani, a éludé la question de l'ouverture de salles de cinéma dans le royaume."Le problème est, jusqu'ici, entre les mains de la société saoudienne", a-t-il dit. Ce qui renvoie aux calendes grecques la création éventuelle de salles de cinéma dans les villes du royaume. Pour l'heure, ils sont cinquante sept mille Saoudiens à passer leurs week-ends dans l'Emirat pour y voir des films ou pour d'autres distractions, selon notre confrère et ils y dépensent quelque 22 millions de dollars par séjour. Sans parler des milliers d'autres "touristes" qui se rendent quotidiennement à Bahreïn par le fameux "Pont de l'unité". En attendant, le rigorisme et l'intransigeance wahhabites se propagent comme une traînée de poudre et ils drainent avec eux la superstition et la croyance en l'existence de forces invisibles. Cette maladie s'est propagée jusqu'au Liban, réputé être la place forte de la rationalité et du réalisme, selon le quotidien Al-Hayat de Londres. Cet état d'esprit explique le succès remporté à la télévision par le voyant Michel Hayek. Ce dernier avait prédit un incident entre les éléments allemands de la force de paix et des soldats israéliens au Sud Liban. Cet incident a eu lieu effectivement et, du coup, la cote de Michel Hayek est montée en flèche. Les Libanais tentent, depuis, d'expliquer le moindre évènement à la lumière des prédications du voyant extra lucide. Ce phénomène favorisé par la télévision n'est pas le seul témoignage de la nouvelle attraction des phénomènes occultes sur la société libanaise, constate Al-Hayat. La vogue de la voyance et des consultations astrologiques est telle que les Libanais se plaignent ouvertement de la hausse de tarifs. Cette tendance a commencé, en fait, avec l'agression israélienne contre le Liban, l'été dernier. A ce moment-là, s'est propagée la rumeur selon laquelle les combattants du "Hezbollah" possédaient des coiffes magiques. Dès qu'ils les mettaient sur leurs têtes, ils ne ressentaient plus ni fatigue ni surmenage. De plus, le combattant qui commettait une erreur dans l'orientation du tir d'une fusée voyait soudain une main invisible corriger le tir et envoyer la fusée dans la bonne direction. Ces croyances absurdes sont également dénoncées par notre confrère Saïd Al-Hamd du quotidien de Bahreïn Al- Ayam. Il se souvient d'une époque où des jeunes des Emirats étaient endoctrinés dans des régions désertiques par des théologiens mêlant adroitement religion et sornettes. Ils envoyaient ces jeunes à la mort en leur racontant des histoires sur les "moudjahidine" afghans qui pouvaient détruire des chars par la seule puissance de leur regard ou par la prière. Notre confrère s'insurge donc cette semaine contre la course aux prédictions et aux explications des rêves qui s'est emparée des télévisions satellitaires arabes. Celles-ci utilisent pour se dédouaner aux yeux de l'opinion des théologiens et des prédicateurs connus. Ils assurent ainsi à la chaîne une couverture religieuse commode et surtout des bénéfices substantiels. Ces émissions sont submergées d'appels téléphoniques qui représentent autant de sources d'argent. Des pratiques comme l'exorcisme des démons et du mauvais œil ainsi que l'explication des rêves sont devenues une des caractéristiques de nos sociétés, déplore Saad Al-Hamd. Une génération entière est sous l'emprise de ces idées, au point que des universitaires ont été contaminés. L'explication des rêves et la dissertation sur les phénomènes invisibles sont devenues le principal sujet de conversation. Ce qui fait empirer les choses, c'est que des professeurs de nos universités sont devenus les principaux vecteurs de ces croyances aux miracles et aux mondes invisibles. De plus, note encore le journaliste bahreïni, des organisations religieuses n'hésitent pas à recourir à des pratiques frauduleuses. L'une d'elles a publié récemment dans la presse koweitienne des placards annonçant la guérison miraculeuse (2) de "Nacer le Srilankais" qui était atteint d'un cancer. Le placard publicitaire de cette association religieuse proclame que le malade a été contacté par l'un de ses prédicateurs qui lui a fait don de textes religieux. Le Sri Lankais a vaincu le cancer et a retrouvé force et santé après avoir lu les documents contenus dans son paquet-cadeau. A l'époque de l'"Infitah" en Egypte, les journaux locaux faisaient régulièrement état de l'invention d'un remède contre le cancer par un chercheur ou un savant égyptien. Aujourd'hui, nous avons surpassé les Egyptiens puisque nous serions détenteurs du remède radical contre le cancer. C'est le quotidien Echourouq qui nous annonce en exclusivité la nouvelle par le biais de l'information que voici: une équipe de la chaîne saoudienne "Iqr'a" est dans nos murs depuis peu. Cette équipe doit réaliser un reportage sur une chercheuse algérienne qui guérit le cancer avec une décoction de plantes. La chaîne qui s'est octroyé le premier mot de la révélation, "Lis!", a déjà consacré un sujet à la question mais compte revenir plus longuement sur le sujet, précise le quotidien préféré des Algériens. Il y a quelques jours à peine, nous avons convoqué des sommités médicales internationales pour un séminaire sur le cancer, justement. Pourquoi chercher un remède que nous possédons déjà? Vous avez dit charlatans…?A.H

(1) Nous sommes de bons élèves puisque nos cinémas disparaissent les uns après les autres.
(2) La chaîne "Al-Haqiqa" publie régulièrement des témoignages de ces miraculés.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie" http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/11/13/article.php?sid=45670&cid=8

Faut-il habiller les chèvres?

Increvable Saddam ! Il a fait un si grand mal à l'Irak et au monde arabe qu'il mérite d'être condamné à mort autant de fois qu'il a tué d'innocents. Ses opposants d'hier, revenus au pouvoir grâce aux Américains, veulent le liquider mais craignent les conséquences de son éventuelle exécution. Bush aurait-il réussi l'incroyable pari de rendre Saddam encore plus dangereux et plus populaire qu'il ne l'était avant la chute de son régime ? Il semble que oui puisque ses partisans font peur aux armées et aux milices présentes sur le terrain.
Les militants du Baâth ont repêché les armes qu'ils ont jetées à l'eau dans le désordre de leur retraite. Aujourd'hui, ils exhibent des "klash" à l'appui de leurs menaces au cas où leur chef serait condamné à mort. Ils promettent des massacres et ruines dans un pays déjà dévasté et agonisant. Dans ce registre, les promesses du "Baâth" peuvent être prises au sérieux : pour jouer les cavaliers de l'apocalypse, on ne trouvera pas mieux. Les baâthistes d'Irak connaissent, cependant, les limites de leurs capacités de nuisance. En plus des Américains, susceptibles toutefois de trouver un terrain d'entente avec eux, ils ont de sérieux adversaires. Face à eux se dressent leurs victimes d'hier, les Kurdes, que la terminologie baâthiste désigne par les "Sionistes du nord". Les Kurdes sunnites sont provisoirement alliés aux Chiites "sionistes" du sud et aux Sunnites "sionistes" du centre. Depuis le dernier Ramadhan, les "résistants" baâthistes dénoncent la création de véritables émirats islamistes, comme ceux qui ont surgi opportunément en Somalie (1). Ils ne le font pas du tout par principe idéologique mais par peur de perdre des territoires à conquérir. Que leur restera-t-il donc, en cas de démantèlement de l'Irak, si des factions s'installent déjà à demeure ? A ce jeu, ce sont leurs alliés objectifs, les islamistes, que les baâthistes redoutent le plus. Des islamistes qui se réclament de Ben Laden se sont, en effets, constitués en "émirats" autonomes dans de nombreuses villes comme et dans des quartiers entiers comme à Baghdad ou à Kirkouk. Leur tactique est simple : dès que les troupes coalisées évacuent une ville ou un quartier, après une opération, ils se répandent dans les rues en tirant des coups de feu et en saluant l'avènement d'un émirat. Sitôt dit sitôt fait, la "chariaa", aux normes wahhabites est proclamée. En vertu de ces nouveaux commandements, tout chiite est considéré comme un ennemi et doit être exécuté. Un sunnite marié à une chiite doit la répudier ou la contraindre à embrasser le sunnisme. Quant à l'épouse sunnite d'un chiite, le problème se règle avec l'assassinat du mari, comme prescrit par le premier commandement. Ce qui a entraîné un exode des familles désireuses de maintenir leur intégrité vers des villes ou des quartiers moins rigoristes. Les témoignages de réfugiés sur les pratiques de la "chariaa", revisitée par les émirs, donnent une idée de ce qui nous attend si... Dans le gouvernorat de Anbar, zone de parcours pastoral, un émir local n'a pas trouvé mieux que d'interdire le pâturage des chèvres sous prétexte que leurs "parties honteuses" sont visibles. En conséquence, les propriétaires de chèvres doivent les égorger et vendre leur viande. Les bergers sont autorisés à les emmener paître uniquement si ces "parties honteuses" sont recouvertes d'un tissu. Comme il y a une explication à tout, les émirs ont la leur, la voici : "Dieu a stigmatisé les chèvres parce qu'un prophète s'était caché au milieu de leur troupeau et qu'elles avaient bêlé révélant sa présence. C'est ainsi que Dieu s'est vengé d'elles en révélant leurs parties honteuses." J'imagine d'ici, un collège de théologiens planchant sur cette question fondamentale : faut-il habiller les chèvres avant de les sortir ? Ces émirats entendent aussi proscrire tous les objets ou pratiques qui n'existaient pas à l'époque de la révélation. Parmi les autres mesures proclamées, on peut citer pêle-mêle : l'amputation des doigts qui tiennent la cigarette chez les fumeurs, la même peine pour ceux qui écoutent de la musique, l'interdiction de la roue de secours pour les automobilistes, la fermeture des salons de coiffure. Et puis la meilleure interdiction de consommer du concombre et de la tomate parce qu'ils rappellent les organes de reproduction mâles et femelles (!!!). Pourquoi toute cette folie ? Je vous renvoie à la série d'interrogations qui ponctuent la chronique de l'écrivain koweitien Ahmed Baghdadi (2) dans le quotidien des Emirats Al Itihadt. En voici l'essentiel : - Pourquoi n'avons-nous pas d'universités de réputation mondiale comme Oxford ou Yale ? - Pourquoi falsifions-nous l'Histoire et racontons-nous des mensonges à nos enfants au lieu de leur apprendre la vérité ? - Pourquoi il n'existe pas un seul livre sur les droits de l'homme dans notre patrimoine arabe et islamique? - Pourquoi n'avons-nous appris la démocratie que lorsque nos pays ont été colonisés et, par-dessus tout ça, nous avons échoué à l'appliquer et à la développer ? - Pourquoi avons-nous échoué dans l'établissement d'une société civile respectée? - Pourquoi, alors que nous sommes près d’un milliard et demi de musulmans, n'avonsnous obtenu que cinq prix Nobel ; alors que le juifs qui ne dépassent pas les dix-sept millions ont eu plus de 180 Nobel dans les sciences ? - Pourquoi n'avons-nous pas un seul inventeur scientifique ou médical dont les découvertes aient profité à l'humanité, en dépit de nos rodomontades sur la "civilisation musulmane" ? - Pourquoi traitons-nous la femme comme une personne de rang inférieur ? - Pourquoi la majorité des terroristes d'aujourd'hui sont des Musulmans? - Pourquoi les Musulmans sont-ils considérés comme la seule minorité au monde à ne pas s'accommoder avec les valeurs de modernité occidentales ? - Pourquoi sommes-nous encore aujourd'hui la seule nation qui interdit les livres et emprisonne les intellectuels ? - Pourquoi refusons-nous toujours d'accepter le dialogue et de reconnaître l'autre ? - Pourquoi nous considérons- nous comme détenteurs de la vérité absolue ? - Pourquoi consacrons-nous plus d'argent à bâtir des mosquées qu'à la recherche scientifique? - Pourquoi notre Histoire ne mentionne aucune action pour défendre les opprimés et défendre l'homme en tant que tel ? - Pourquoi nous distinguons- nous des autres nations par notre propension à toujours solliciter des religieux pour régler nos problèmes, en dépit de leur savoir limité? - Pourquoi insultons-nous l'Occident pour aller ensuite nous y faire soigner ? - Pourquoi ne respectonsnous pas les rendez-vous et les horaires alors que nous portons les montres les plus chères au poignet ? Il y a donc de nombreux "Pourquoi ? " dans notre pauvre et pitoyable vie, notre Ahmed Baghdadi en guise de conclusion. Cependant, nous ne nous hasardons jamais à poser ces questions. Bien plus, nous n'y pensons même pas. Il est clair que les peuples arabes et musulmans ont une addiction irrémédiable à l'impuissance. De même qu'ils se droguent à l'oppression jusqu'à l'overdose. Ils sont si accoutumés à se soumettre aux gouvernements et aux religieux qu'ils n'ont plus à se casser la tête avec des questions. Alors, pourquoi sommes-nous étonnés par les piètres conditions dans lesquelles nous vivons ?" Autant de "Pourquoi ?" qui renvoient principalement aux explications de textes proposées par les émirs irakiens et beaucoup d'autres qui prospèrent parmi nous. A. H.

(1) Comme par hasard, "Al- Djazira" émet depuis quelques jours sur Radio FM à Mogadiscio.
(2) Des confrères koweitiens saluent la 73e place obtenue par leur pays au classement mondial de la liberté de la presse. Et pour cause, le Koweït est le premier chez les Arabes. L'Algérie figure au 126e rang, entre le Burundi et le Swaziland mais avant l'Egypte classée 133e. Et pourtant.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie"http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/11/06/article.php?sid=45349&cid=8

Dieu, z'indiania et l'kbaylia

Voici l'histoire qui m'a été envoyée par une lectrice et dont j'ai juste supprimé le préambule d'usage sans rien changer d'autre : "Je voulais vous raconter une anecdote qui m'est arrivée en 1991, j'étais dans un bus desservant la ligne Golf-Audin, deux jeunes discutaient.L'un deux disait que toutes les inventions des Occidentaux étaient dans le Coran et qu'ils les avaient volées aux musulmans et il rajoute que la seule langue que Dieu ait créée était l'arabe, alors l'autre rétorque timidement : "Oui, mais même les autres langues c'est des langues de Dieu", alors l'autre réfléchit un moment puis dit : "D'accord toutes les langues sont la création de Dieu sauf z’indiania et l'kbaylia, je suppose que vous avez compris qu'il s'agissait de la langue des Indiens d'Amérique et du kabyle. Je crois qu'il n'y a rien à rajouter sauf que je les ai suivis et qu'ils sont entrés à la fac centrale." Ainsi donc, au regard de ce jeune inconscient, les Indiens d'Amérique et les Kabyles auraient été oubliés par la divine providence au pied de la tour de Babel. Ces choses-là ça ne s'invente pas et je tiens cette anecdote pour ce qu'elle est, c'est-à-dire authentique. Les raisons de la croire vous interpellent à chaque arrêt de bus, à tous les coins de rue et dans les allées des marchés. L'anecdote que raconte cette lectrice date de quinze ans. C'était en 1991, au moment où le FIS tenait le haut du pavé, et c'est le cas de le dire. Ce genre de théories nostalgiques et revanchardes avaient déjà droit de cité. Elles voyageaient de concert avec des idées toutes faites et prêtes à exécution (au sens plein du terme). Depuis, la pensée "salafiste" dite scientifique a reordonné et restructuré les discours et les actes. En 1991, des militants islamistes bornés et dociles, portant des catafalques à bout de bras, s'offraient des sprints résolus vers les cimetières. Ils obéissaient ainsi, de façon caricaturale, à un hadith qui ordonne d'enterrer les morts avec une extrême célérité (1). Aujourd'hui, les nouveaux maîtres à penser droit ont imposé une autre procédure : courir en portant une civière mortuaire est un manque de goût, ont-ils dit. Cela ne peut vous valoir que les moqueries des laïcs et la réprobation divine. Désormais, vos défunts ne doivent plus encombrer trop longtemps les espaces étroits de vos logements ou/et de vos cours. Ne veillez plus vos morts comme le faisaient vos pères mécréants. Ils n'ont pas besoin d'un dernier regard de leurs proches expatriés. Si votre mère meurt pendant la nuit ou au lever du jour, mettez la en terre dans la journée. Et cette prescription est valable aussi pour les défunts du sexe mâle : "Hâtez-vous d'enterrer" vos proches, mais en raccourcissant leur séjour parmi vous. Du coup, les éternels dindons de la farce vous expliquent qu'ils ne suivent pas une mode nouvelle, mais obéissent au principe de précaution : la chaleur accélère la décomposition. Et si vous leur dites que la procédure expéditive est aussi de règle au cours de l'hiver, ils vous renvoient au fameux hadith. On tourne donc en rond, mais de façon plus intelligente ; l'essentiel étant de ne pas faire tourner le cercueil en même temps, et le défunt avec. Le "salafisme" nouveau n'hésite pas aussi à avancer des arguments économiques : aux heures de grande misère, les femmes doivent verser la "dot" de l'austérité. Les tenues occidentales sont trop chères et l'ensemble hidjab et vêtement ample couvrant de la tête aux pieds offre un excellent paravent (hidjab au sens étymologique). Sans compter que ce "cache-misère" vous hisse, mesdames, au rang de femmes bienheureuses et libérées de contingences de la fitna. Quant aux hommes, la barbe poussant à titre libre et gracieux, plus besoin d'engager des frais supplémentaires pour vous habiller aux normes. Il suffit d'un coup de ciseaux, au bon endroit : prenez vos pantalons flanelle ou autres acquis du temps de votre djahilia, et retaillez les juste en haut de la cheville. Vous aurez sûrement bousillé de beaux accoutrements, mais, en retour, vous aurez gagné le droit de vous réclamer du "salafisme", même si vous n'avez pas la moindre idée de ce que c'est. Quoi qu'il en soit, vous pourrez arborer le nisf saq (mi-jambe) avec fierté lors des défilés de mode du vendredi. Vous ne vous sentirez plus exclus ou intrus, foi de couturier repenti. En tout cas, l'expérience a été concluante pour l'imam de mon village qui a réussi à faire retailler la plupart des garderobes de ses ouailles contrites, dont quelques cousins opportunistes. Il y a encore de ces situations auxquelles on n'échappe pas, comme celle qu'a dû affronter ce confrère des Emirats et qu'il relate dans le quotidien Al-Itihad. S'étant rendu au marché pour y acheter un pantalon et après en avoir essayé un, il a demandé au marchand de le retailler bas, c'est-à-dire au-dessous de la cheville. Or, le fils du commerçant, préposé à l'opération, refuse de couper le tissu au niveau demandé. Prétextant le refus de commettre un péché, il propose de retailler au-dessus de la cheville. C'est ça ou rien, dit-il en dépit des exhortations paternelles. Aux dernières nouvelles, la polémique continue. Entre croyance aveugle et superstition, les sociétés arabes s'en remettent aujourd'hui à des théologiens "salafistes" qui orientent et dirigent leurs actions. Sur le site qu'il vient de créer (2), l'ancien exclu d'Al-Azhar, Ahmed Sobhi Mansour, revient sur les mondes invisibles et le surnaturel. Il s'oppose à la croyance selon laquelle le Prophète Mohamed avait la prescience du monde invisible. Il rappelle opportunément que l'imam Mohamed Abdou a nié vers la fin du XIXe siècle l'idée reçue selon laquelle le Prophète avait la connaissance du monde invisible. Il a énoncé cette négation dans son exégèse de la Sourate de "La Vache", telle que reprise dans son corpus Al-Manar. "Partant de là, affirme Ahmed Sobhi Mansour, tous les hadiths affirmant le contraire sont donc sujets à suspicion et ne doivent pas être pris en considération". L'ancien mufti d'Al-Azhar, rappelle cependant que le mouvement de "l'Idjtihad" lancé par Mohamed Abdou a été récupéré et avorté par son élève Rachid Redha qui lui a substitué la pensée "salafiste". "C'est ainsi, dit-il, que la connaissance par le Prophète du monde invisible que réfute Mohamed Abdou est admise par son élève et cette contradiction figure dans la même édition." "Avec la révolution de juillet 1952, note encore Ahmed Sobhi Mansour, le Cheikh Shaltout, nommé à la tête de l'université Al-Azhar par Nasser, a ramené un peu de raison dans la maison Al- Azhar. Le Cheikh Shaltout a abordé lui aussi la question des diables et des démons avec une vision rationnelle et progressiste, certes, mais avec moins de clarté que Mohamed Abdou, plus d'un demi-siècle auparavant (observez le progrès en marche arrière)". Le Cheikh Shaltout affirmait, en effet, que "la relation des démons et des diables avec l'homme n'allait pas plus loin que la tentation ou l'incitation au mal. Tout le reste n'est qu'illusions". Cent ans après Abdou et cinquante ans après Shaltout, on peut mesurer quotidiennement la distance parcourue à reculons. Aujourd'hui, les démons ne se contentent pas de susurrer aux oreilles des mortels. Ils subornent leurs épouses et leur font même des enfants. Attention à ces diablotins, ils habitent peut-être votre quartier !A. H.
(1) Hadith opportunément oublié à la mort du Prophète lui-même.
(2) http://www.ahlalquran.com/arabic/main.php

Ahmed Alli " Le soir d'Algérie" http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/10/30/article.php?sid=45020&cid=8

Eviter le péché en donnant le sein

Revoilà Abdessabour Chahine, représentant de Dieu autoproclamé sur la terre d'Egypte, en guerre contre la raison et tirant à vue sur la moindre de ses manifestations. Universitaire de son état, Abdessabour Chahine a décidé d'éradiquer tout esprit critique ou semblant d'esprit critique des facultés égyptiennes. Il n'hésite pas à déférer devant la justice pour "atteinte à la religion" tout homme qui se hasarde à réfléchir, à haute voix, sur le contenu des textes sacrés.
En d'autres temps, la justice du pays aurait eu d'autres chats à fouetter mais, hasard ou opportunisme, les plaintes de Chahine sont toujours traitées avec célérité (1). L'infatigable redresseur de torts, causés à une société ronronnante par l'usage de la raison, vient de prendre pour cible l'un de ses collègues, Hassan Hanafi, professeur de philosophie. Ce dernier est, en effet, sous le coup d'une action en justice pour hérésie devant les tribunaux du Caire. Abdessabour Chahine reproche à Hassan Hanafi d'avoir relevé des contradictions entre les saints noms de Dieu et, surtout, d'avoir livré ses réflexions au grand public. Chahine considère que les conclusions du professeur portent atteinte à Dieu et à l'Islam. Le fait d'en informer l'opinion équivaut pour Hassan Hanafi à proclamer son hérésie. Il est donc sommé par le justicier Chahine de se renier et de se repentir sous peine des pires châtiments prévus par la Charia. Quant aux réflexions de Hassan Hanafi, elles portent, selon notre confrère Achraf Abdelkader, sur quelques contradictions manifestes entre les attributs divins, comme celles existant entre la bienveillance et la sévérité. En réalité, ce qui suscite le courroux de Abdessabour Chahine et de ses amis, c'est l'exploitation des propos de Hassan Hanafi par la chaîne adventiste Al-Hayat. Le rusé et érudit père Zaccharia, copte égyptien, n'est pas un inquisiteur mais un redoutable bretteur. Tous les théologiens de l'Islam le détestent et il le leur rend bien puisque son objectif est de convertir le maximum de musulmans au christianisme. Ses meilleurs alliés sont dans la place et son arme principale est la stupidité des Chahine et consorts. Lorsqu'il appelle ses téléspectateurs arabes à lire les Evangiles sur Internet, par crainte des exactions qu'ils risquent dans leurs pays, il sait que les Abdessabour Chahine sont légion et qu'ils confortent son discours. Le "procureur de Dieu" au pays des pharaons n'en est pas à sa première affaire. Il a ainsi réussi, il y a quelques années, à faire un procès retentissant à l'écrivain Nacer Hamed Abou Zeid. Motif : l'universitaire recommandait de lire le Coran avec la raison. Bien sûr, le réquisitoire du procureur Chahine fut suivi et validé par une condamnation : la rupture de son mariage avec sa femme Ibtihal. Bien entendu, cette dernière refusa la sentence et le couple vit actuellement exilé en Hollande, sans espoir de retour (2). Commentant la dernière initiative du grand inquisiteur égyptien, Achraf Abdelkader affirme que ses compatriotes doivent faire preuve de courage en religion. "Nous devons reconnaître, dit-il, qu'il y a de nombreuses contradictions, non seulement dans les saints attributs de Dieu mais aussi dans la Sunna et les Hadiths. Il y a eu dans ce domaine de nombreux textes falsifiés et d'autres inventés de toutes pièces, ajoute notre confrère. Je prends l'exemple du Hadith qui dit : "Celui qui change de religion, tuez le !". Ce Hadith est certainement faux puisqu'il contredit plusieurs versets du Coran. Malgré ça, les trabendistes de la religion s'y réfèrent constamment. Si ce Hadith est authentique, comment expliquer alors ces versets : "Vous avez votre religion et moi la mienne" ; "Il n'y a pas de contrainte en religion". Achraf Abdelkader qui dénonce la profusion de "fetwas", basées sur des Hadiths faibles ou apocryphes, en appelle à une révision déchirante des textes religieux, "pour en finir avec tous les drames provoqués par les divergences d'interprétation". C'est la même dénonciation que l'on peut retrouver sous la plume du billettiste attitré d' Al-Akhbar, Ahmed Rajab, lorsqu'il écrivait : "Le monde autour de nous se consacre à la science et à la technologie tandis que nous nous attachons aux fetwas religieuses utiles. La fetwa qui interdit d'appeler son épouse "ya mama" (maman) afin qu'elle ne devienne pas illicite pour lui comme si elle était sa mère. Ou bien la fetwa qui veut que l'épouse donne le sein aux employés (mâles) de la maison de façon à ce qu'elle devienne illicite pour eux. C'est ainsi que de nombreux dévots éclairés ont offert leurs services (comme employés de maison) à Nancy, Haïfa et Alyssa (3). Et annonce la nouvelle à ceux qui vivent dans la patience !" Toujours au chapitre des fetwas atypiques ou cycliques, citons la dernière en date qui nous vient, comme il se doit, d'Arabie saoudite. Un haut dignitaire religieux a édité un décret prohibant l'apparition de compagnons du prophète, interprétés par des acteurs sur la scène ou à l'écran. Cette fetwa tardive vise le feuilleton syrien "Khaled Ibn Al Walid" que toutes les télévisions arabes se sont arraché puisqu'il nous le montre en train de gagner des batailles. Du coup, le cheikh Karadhaoui qui avait salué l'arrivée du feuilleton au début du Ramadhan, se rebiffe au 25ème jour. Il désavoue l'œuvre pour des raisons qui tiennent plus de l'opportunisme politique que du jugement esthétique si tant qu'il ait vu l'œuvre. Ceci dit, "Khaled Ibn Al Walid" est un feuilleton chorba, avec l'ingrédient repoussoir de ce plat, le navet. C'est parce qu'il met en scène un personnage de la trempe de Khaled Ibn Al Walid que les critiques arabes ne l'ont pas incendié. Pourtant, il y a bien des raisons d'envoyer ce feuilleton là où finissent les navets périmés. L'écrivain syrien exilé, Hakem Al-Baba, a son opinion là-dessus : il ne s'arrête pas au fait que l'acteur principal ne sache pas monter à cheval ni qu'il traîne une femme par les cheveux avant de la tuer avec force giclées d'hémoglobine. Hakem Al-Baba affirme que le feuilleton mène les guerres de Khaled comme les Arabes ont mené celle de 1967. "Si Khaled s'était battu ainsi contre les Byzantins, c'en était fait des musulmans et de l'Islam", dit-il. Loin de ces querelles sur les feuilletons et le retour des actrices en hidjab, la danseuse égyptienne Dina s'apprêtait la semaine dernière à effectuer une "omra" pour se laver de ses péchés. Au retour, elle observera une pause de quarante jours avant de reprendre ses activités émoustillantes. Interrogé par un de nos moralisateurs sur cette façon de concilier sa profession et sa religion, elle reconnaît que ce n'est pas très orthodoxe. "Comme il y a des voleurs, il y a aussi des danseuses, dit-elle. Comme je ne peux pas être une voleuse, alors je danse." Que Dina se rassure, il y aura toujours beaucoup plus de voleurs que de danseuses. Il faut juste espérer que les inquisiteurs apprennent à tourner le dos aux danseuses comme ils le font pour les voleurs. A. H.
(1) A propos des juges "engagés" ou soumis au port de l'oreillette, je citerais ce "Hadith" dont je ne garantis pas, au demeurant, l'authenticité : "Les juges sont trois : deux qui vont en enfer et un qui va au paradis."

(2) Cette forme de répudiation n'est pas propre à l'Egypte. Tout récemment un couple saoudien, avec deux enfants, a été séparé par un jugement. Les frères de l'épouse ont invoqué le fait que le mari appartenait à une tribu inférieure à la leur.

(3) Il s'agit, pour les lecteurs non initiés, des chanteuses libanaises Nancy Agram, Haïfa Wahbi et Alyssa que la nature, ou la chirurgie plastique selon les mauvaises langues, a généreusement dotées de ce point de vue-là.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie" http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/10/23/article.php?sid=44823&cid=8

Le bon coup d'épée au bon endroit

Comme l'année dernière, les Saoudiens se sont mis encore le doigt dans l'œil, j'entends l'œil qui devait observer le croissant lunaire annonçant le début du Ramadhan. A l'instar de tous les habitants du royaume et des provinces annexes, le cheikh Obeïkane a jeûné le samedi 23 octobre. Pouvait-il faire autrement en sa qualité de membre du gotha théologique, chargé de veiller à l'intégrité du dogme wahhabite ? Chez les wahhabites, on ne marque sa différence que lorsqu'on a affaire à des peuplades prêtes à tout gober, comme celle d'Afrique du Nord.Le cheikh Obeïkane s'est néanmoins rebiffé, après mûre réflexion et concertations avec qui de droit. C'est en plein milieu du Ramadhan qu'il annonce avoir été surpris par l'annonce de l'apparition du croissant de lune dans la nuit du 23 octobre. Or, toutes les études antérieures et postérieures ont montré que la vision était impossible ce jour-là, reconnaît-il dans le quotidien saoudien Al-Watan. En se ralliant, assez tardivement du reste, au point de vue des scientifiques, le cheikh Obeïkane se démarque des autorités religieuses en place. Ce sont pourtant ces dernières qui ont édité, il y a près d'un quart de siècle, une "fetwa" autorisant le recours aux observations astronomiques. Pour mieux appuyer ses dires, Obeïkane affirme que cette thèse a même obtenu, en son temps, l'accord du cheikh Ibn Al-Baz qui persistait encore à soutenir que la terre était un disque plat. Dans le même temps, le constat du cheikh est une critique indirecte de l'attitude du gouvernement, coupable d'avoir pris des vessies pour des lanternes et d'avoir validé des visions. Comme la théorie du bon roi et des mauvais vizirs a plus que jamais cours là-bas, il y est allé de sa requête au souverain infaillible (1) à qui il a demandé de faire désormais confiance aux scientifiques au détriment des "ulémas". Il rappelle toutes les initiatives prises dans ce sens aussi bien en Arabie saoudite qu'au niveau de la Conférence islamique. A l'appui de sa réfutation de la vision à l'œil nu, le cheikh Obeïkane cite de nombreux exemples de témoins dont la mauvaise vue a été démontrée par la suite. Il y a quelques années, raconte- t-il, un "témoin inamovible" a été pris sur le fait par un juge récemment nommé dans la région. Le juge a demandé, en effet, au "témoin", assez âgé, de dire ce qu'il voyait dans le ciel, au moment où le croissant de lune était à son apogée. Le "témoin visuel" n'a rien vu puisque c'était un malvoyant. Il a été alors prié de ne plus annoncer ses visions sous peine d'un châtiment exemplaire. Le cheikh raconte aussi l'histoire de quatre "témoins" qui ont vu le croissant de lune mais à l'envers. C'est-à-dire qu'il irradiait vers le haut comme si la lumière venait du satellite de la terre et non de l'astre solaire. Qu'ils aient commencé le Ramadhan un samedi ou un dimanche, les frères musulmans (2) sont aussi connus pour partager un égal appétit pour les douceurs et le farniente. Pour se rassurer et se raccommoder avec le ciel, ils sont aussi grands consommateurs de "fetwas". Ils veulent tout savoir sur tout et les médias se mobilisent plus que jamais à cet effet. L'hebdomadaire féminin Laha ( Pour elle) a sollicité les services de la "douktoura" égyptienne Souad Salah. Cette dernière est la doyenne de l'Institut d'études islamiques à Al-Azhar et elle est cataloguée comme la "mufti" attitrée des femmes. Sans y entrer véritablement, les questions posées tournent généralement autour de la chambre à coucher. Pour ce Ramadhan, Souad Salah déconseille aux femmes d'aller sur les chats pendant la journée du jeûne (3). Explication: elles pourraient engager des discussions enflammées avec un homme et donc provoquer en elles des réactions physiologiques susceptibles de les mettre en état de rupture (du jeûne). Sur la chaîne privée égyptienne "Dream", où elle officie également, Souad Salah a failli perdre son sang froid vendredi dernier, à cause du "niqab". Un téléspectateur qui devait sentir derrière lui les trois quarts des mâles égyptiens, a défendu avec une rare violence le droit d'imposer le "niqab" aux femmes (4). Souad Salah a soutenu que le "niqab" est antérieur à l'Islam et qu'il n'en était pas une des obligations. Il serait même proscrit sur la base de certains "Hadiths" authentiques. La théologienne a déploré que des pressions soient exercées sur les "moutahadjibate" (et non pas "mouhadjabate") pour qu'elles ressemblent aux "chauves souris de la nuit", selon l'expression de notre consœur d' Al-Akhbar (5), Hosn Chah. Dans cet ordre d'idées, elle a dit ne pas comprendre que des femmes portent le "niqab" et s'enferment en même temps chez elles, s'imposant ainsi un double cloître. En revanche, Mohamed Sadek Diab écrit dans le quotidien londonien Al-Charq Al-Awsat qu'il a été choqué par le "caractère osé" des propos de Heba Qotb, enseignante à l'université du Caire, sur "Al- Arabia.net". Il affirme que cette spécialiste de théologie et de sexologie (!!!) aborde des problèmes, comme le moment le plus indiqué après la rupture du jeûne, qui font monter le rouge au front de nos sociétés conservatrices. C'est pour vous dire qu'en matière de "fetwas", les femmes sont décidément bien loties, outre les avantages dont la nature les a dotées. Une distinction dont elles se passeraient volontiers à en croire la dernière (last but not least, hélas !) "fetwa" du cheikh Karadhaoui. Le chef spirituel des Frères musulmans a affirmé tout récemment qu'un mari trompé avait le droit de tuer l'homme surpris dans les bras de sa femme. "Mais, a-t-il ajouté, l'Islam ne connaît pas les crimes d'honneur (passionnels)". Ce qui a fait bondir le toujours vert Djamal Al-Bana, outré par cette attitude qui consiste à n'avoir que le Coran et la Sunna à la bouche et à les oublier dès qu'il faut s'y référer sérieusement. Al-Bana donne alors à Karadhaoui une véritable leçon de jurisprudence islamique en matière d'adultère. A la clé, il rapporte ce récit qui m'a tellement enchanté que j'ai voulu vous le faire partager : "Un jour que Omar Ibn Al-Khattab était en train de déjeuner, un homme est accouru, une épée ensanglantée à la main et poursuivi par un groupe d'hommes menaçants. Alors que l'homme s'était assis à côté de Omar, ses poursuivants ont déclaré à ce dernier : "O Emir des croyants, cet homme a tué notre ami." Omar se tourne vers le fuyard et l'interroge : "Que dis-tu? " Et l'homme inspiré a, alors, cette incroyable réponse : "O Emir des croyants, oui j'ai donné un coup d'épée sur les cuisses de ma femme et s'il y avait quelqu'un au milieu, je l'ai sans doute tué." Il n'y a pas à dire: ces gens-là avaient de la répartie et l'esprit d'à propos. Pourquoi donc, leurs émules d'aujourd'hui ont si peu de cervelle ?

(1) "Le roi vénérable, pieux et juste Abdallah Ibn Abdelaziz, que Dieu le préserve!". C'est le cheikh Obeïkane qui parle, vous l'aurez compris.

(2) Mécréant, peut-être, mais musulman quand même, c'est ce que disait, je crois, le regretté Djamel Eddine Bencheikh.

(3) J'espère que nos imams zélés n'en profiteront pas pour recommander l'interdiction des "cybers" aux femmes avant la prière du Maghreb.

(4) Là aussi, le vocabulaire a évolué : on ne dit plus "mounaqabat" pour celles qui portent le "niqab" mais "moutanaqibat". Juste pour dire qu'il ne leur est pas imposé mais qu'elles le mettent volontairement. Les femmes, chez nous, sont libres de s'habiller comme elles veulent, à condition de ne rien montrer.

(5) Il s'agit bien du journal cairote Al-Akhbar. Ailleurs, on ne se hasarde plus à de telles hardiesses.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie" http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/10/16/article.php?sid=44556&cid=8

Le mortel bouche-à-bouche

La Grande-Bretagne se rebiffe, le communautarisme commence à lui faire peur. Ayant recréé un mini- Etat taliban au cœur de Londres, les autorités britanniques étaient habitées par un sentiment de sécurité euphorique. Aux Français, empêtrés dans la sulfureuse affaire du hidjab à l'école, les Anglais vantaient leur infaillible système de cohabitation communautaire.
Depuis les attentats de juillet 2005, dans le sanctuaire supposé du Londonistan, les données ont changé : de la complicité passive, pour ne pas dire active, avec le terrorisme, la "Perfide Albion" est passée au statut de victime. "Règlement de comptes" au Londonistan, aurait pu titrer un journal algérien excédé par l'impunité et l'asile offerts aux terroristes. Après avoir goûté à la terreur, les Anglais explorent aujourd'hui les limites de leur légendaire tolérance. C'est Jacques Straw, ministre des Relations avec le Parlement et ancien ministre des Affaires étrangères, qui a, disons, allumé la mèche dans une tribune de presse. S'exprimant jeudi dernier dans le journal de sa circonscription, le Lancashire, Jacques Straw, élu d'une région qui compte 30% de musulmans, a jeté un pavé dans la mare intégriste. Il a, en effet, suggéré aux femmes portant le niqab de se dévoiler lorsqu'elles venaient discuter avec lui, lors de ses permanences parlementaires, et en présence d'une employée féminine. "Je ne peux pas avoir un "face-à-face" avec une personne sans voir son visage", a-t-il affirmé. Et d'ajouter que le port du niqab était "une déclaration visible de séparation et de différence". Prudent comme tous les British, Jacques Straw précisait dans cette tribune qu'il s'opposait seulement au port du niqab qui empêche de voir le visage de son interlocuteur. Le lendemain, cependant, et sur les antennes de la BBC, Jacques Straw a exprimé plus qu'un vœu. Il s'est dit inquiet devant le "développement de communautés parallèles" et il a été plus direct en affirmant qu'il préférerait que les musulmanes ne portent pas le voile du tout. Selon lui, le port du voile et le développement du communautarisme dont il est des signes rendent les relations entre communautés plus difficiles. Entendez par là que la Grande-Bretagne chrétienne anglicane s'accommode mal aujourd'hui de ce voile qu'elle arborait hier comme l'étendard de la tolérance. Comme de bien entendu, les organisations musulmanes, très comme il faut puisque la plupart d'entre elles est imprégnée de wahhabisme, ont mal réagi. Dans un même élan, elles ont dénoncé l'atteinte à l'Islam et à la liberté de se voiler la face. Seul le Conseil des musulmans de Grande-Bretagne, l'une des principales organisations, a dit comprendre que "le voile crée un malaise chez les non-musulmans". Pour ajouter au malaise "intercommunautaire", Alexandre Amr Bacha, un policier britannique, né de père syrien et marié à une Libanaise, a fait sa crise de conscience cet été. En pleine guerre du Liban, il a découvert la contradiction qu'il y avait entre son serment professionnel et sa profession de foi. Membre des forces de police chargées de la protection des ambassades, Amr Bacha a invoqué des "raisons morales" pour refuser son affectation devant les locaux diplomatiques israéliens, nous apprend le quotidien londonien Al- Hayat. Ses supérieurs ont évidemment fait droit à sa demande au nom de la bonne vieille tolérance. Scotland Yard a toutefois refusé d'avaliser cette exception et a décidé d'ouvrir une enquête administrative. Un ancien chef de la police a eu ces mots très durs : "C'est la fin de la police britannique. Quand une personne quelconque s'enrôle dans la police, c'est pour être au service du peuple… et si cette personne ne peut pas accomplir son devoir, qu'elle s'en aille." Voilà qui risque de rendre encore "plus difficiles", selon les termes de Jacques Straw, les relations entre les communautés. Al-Hayat note à ce sujet que les musulmans de Grande-Bretagne expriment de plus en plus des sentiments anti-occidentaux. Cette tendance s'est accentuée après les attentats de Londres en juillet 2005 et le resserrement de la surveillance policière autour des communautés musulmanes. Selon Al-Hayat, un sondage réalisé par l'organisation PEW montre que parmi les communautés musulmanes en Europe, celle de Grande-Bretagne est la plus hostile à l'Occident. Le quotidien de Londres relate, à titre d'exemple, le refus des organisations islamiques d'assister cet été à une cérémonie commémorative de l'Holocauste. Ces organisations ont affirmé que leur refus ne signifiait pas une négation de l'Holocauste mais une volonté de cultiver le souvenir de toutes les tueries (1). Nullement convaincu par cette explication, l'un des plus populaires chroniqueurs britanniques, Martin Bright, a dénoncé l'idylle entre le gouvernement et les extrémistes islamistes. Il a notamment pointé du doigt l'influence néfaste du cheikh Karadhaoui sur les organisations islamiques. Dans cet ordre d'idées, notons cet appel au gouvernement égyptien lancé la semaine dernière par notre confrère Nabil Charef Eddine. Il demande aux autorités, dans une lettre ouverte, d'intervenir pour stopper l'expansion du port du niqab chez les élèves et les enseignantes dans les écoles. Dans ce texte intitulé "L'invasion de l'Egypte par le wahhabisme", Nabil Charef Eddine affirme d'entrée qu'il s'aventure en "terrain miné". Mais il constate que le hidjab et le niqab sont devenus la réalité quotidienne des Egyptiens, au point que celles qui ne le portent pas sont regardées avec suspicion. Elles sont considérées comme des "proies en puissance" et font souvent l'objet de questions et d'injonctions à porter le hidjab. Ces sollicitations ont lieu partout, en milieu familial, scolaire, universitaire et jusque dans les voitures de métro. Ces dernières sont le cadre le plus récent de ces incitations qui ne semblent pas émouvoir les autorités. "Je ne connais pas les raisons de ce silence des autorités, dit le journaliste, mais je pense qu'il y a trois explications : la négligence et le laxisme de l'Etat ; la complicité et un accord tacite non écrit ; la surenchère en étant plus extrémiste que les extrémistes." Le même danger extrémiste semble également guetter les sociétés wahhabites. L'hebdomadaire saoudien Al- Majala déplore cette semaine la superstition et les illusions dont se bercent aujourd'hui les sociétés du Golfe. La revue attribue la responsabilité aux dérives de la "médecine islamique" ou "roqia". Elle énumère ainsi les multiples accidents dus à cette pratique dont le plus récent a eu lieu dans une ville du sud du pays. Le "patient" d'un pratiquant de "roqia" a été étouffé par l'appareil dentaire de son praticien. Cela est arrivé lors du bouche-à-bouche que le guérisseur faisait à son malade pour en chasser le démon. Au lieu de cela, c'est la prothèse de l'exorciste qui s'est enfoncée dans la gorge du "malade" provoquant son asphyxie. Al-Majala ne méconnaît pas la réalité de cette thérapie et ses bienfaits mais elle estime qu'elle devrait être pratiquée sous surveillance et par des compétences reconnues. On enseigne bien l'"économie islamique", pourquoi pas un module de "médecine islamique". A condition de vérifier que les futurs praticiens aient toutes leurs dents. A. H.
(1) Le massacre des Arméniens n'entre sans doute pas dans cette catégorie puisque les auteurs sont musulmans. (2) Nous avons nous aussi de l'imagination puisque j'ai entendu un vendeur à la criée vanter son raisin "Koulibaly", en hommage au défenseur malien du Mouloudia qui a marqué un but d'anthologie contre l'USMA.

Ahmed Alli "Le soir d'Algérie" http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/10/09/article.php?sid=44252&cid=8