Ce que croient les Occidentaux à propos des Arabes et des musulmans, ou des deux à la fois, se résume le plus souvent à un chapelet de préjugés basés sur la méconnaissance de l’autre ou la mauvaise appréciation de ses faits et gestes. Ce sont ces préjugés qui fondent les jugements arabes sur l’Occident et occultent tout le reste, c'est-à-dire ce que nous montrons, nos attitudes et nos déclarations.C’est cette partie immergée de l’iceberg arabe, ces photographies instantanées d’eux-mêmes que les concernés s’obstinent à brûler. Peu nous chaud que cet entêtement suicidaire contribue à renforcer les préjugés d’en face. Les Arabes ont décidé une bonne fois pour toutes qu’avec ces gens-là il n’y a qu’une seule attitude à avoir : la douleur de la femme séduite et abandonnée ou, au mieux, la dignité affichée de l’époux bafoué.
Si j’étais un Occidental normal, aussi normal qu’un Algérien qui rêve de traverser la Méditerranée sur une chambre à air d’Airbus, que me disent les Arabes ces jours-ci ? Pour peu que j’aie la curiosité et le temps d’aller aux sources, voici ce que j’aurais vu ou entendu : En zappant, comme on dit, sur une chaîne satellitaire, j’ai aperçu des enfants palestiniens jouer aux adultes sur un chapiteau dressé à l’occasion de la journée de soutien aux orphelins. En tendant l’oreille, j’ai appris ainsi que ces enfants rêvent de créer des milliers d’orphelinats chez l’occupant pour égaliser les chances à la loterie du malheur. J’ai changé de chaîne lorsque les enfants adultes ont entonné des hymnes invoquant Dieu contre ceux d’en face, comme dans les prêches incendiaires des imams cathodiques. Choqué de découvrir tant de violence chez des enfants, j’ai abandonné la télé pour prospecter un autre terrain pédagogique. Toujours chez les Arabes, bien sûr. Avec le peu d’objectivité que me permettent encore mes préjugés, j’ai pu constater qu’au milieu de la confusion et du tohu-bohu arabes, perçaient encore quelques éclairs de lucidité. Des intellectuels et des journalistes arabes continuent de ramer à contre-courant et de croire qu’ils se reproduiront tout comme les saumons.
C’est ainsi que j’ai été attiré par le titre d’un article intitulé «Un autre complot occidental contre la famille musulmane pour nous empêcher de frapper nos enfants». L’article a été publié par le magazine Elaph et son auteur est Dalal El-Bizri, une écrivaine libanaise vivant au Caire. C’est l’histoire très banale publiée par un quotidien cairote qui raconte ce fait divers : un Egyptien incommodé par les cris et les bruits provenant de chez le voisin sonne à sa porte. Ce dernier explique que les cris sont de sa fille de 9 ans qu’il était en train de corriger et promet de faire moins de bruit. Mais le tapage reprend et le voisin, excédé, appelle la police. Cinq heures plus tard, la police arrive et découvre une petite fille de neuf ans enchaînée par les mains au plafond. La petite invoque la protection de son oncle maternel qui est aussitôt ramené. Tout ce beau monde se retrouve au poste de police où le père explique qu’il bat sa fille ainsi parce qu’il veut faire son éducation. Vous savez ce que c’est que d’élever une fille, dit-il à l’officier qui ne demandait apparemment qu’à être convaincu. Aussi le sermon de l’officier ne s’adresse-t- il pas au père violent mais à l’oncle affectueux que sa nièce a appelé au secours. Le policier demande à l’oncle de ne pas s’en prendre à son beau-frère et il renvoie tout le monde. Il décide même de remettre la petite fille entre les mains de son père, comme si rien ne s’était passé. Dalal El-Bizri rapproche ce fait divers du débat qui a eu lieu récemment au Parlement sur les enfants battus. Tout est parti d’une initiative du Conseil national égyptien de la mère et de l’enfant qui a présenté un projet de loi pour protéger les enfants contre la violence parentale. L’article 7 de ce projet prévoyait de considérer les châtiments corporels infligés aux enfants comme un délit punissable, comme tel, de six mois de prison. Cet article a eu un résultat inattendu, celui de voir se liguer contre lui les députés de la majorité et ceux des Frères musulmans. On s’attendait au moins à ce que le débat fasse vibrer la fibre maternelle chez les deux députées femmes de la commission, constate l’auteur, amis les «cœurs tendres» n’ont pas réagi. C’est ainsi que l’article 7 a été vidé entièrement de son contenu à l’issue d’une campagne des Frères musulmans qui a sollicité notamment les cheikhs d’Al-Azhar. Nombre d’entre eux ont mis en cause pêle-mêle la mondialisation, la conférence mondiale sur la population ainsi que la volonté de l’Occident de nous imposer ses normes en matière d’éducation des enfants. C’est ainsi qu’après avoir détruit leurs propres enfants et leur société, les Occidentaux s’attaquent maintenant à saper les fondements de la famille musulmane.
Dalal El-Bizri note que l’hostilité primaire envers l’Occident a été érigée en forteresse inexpugnable pour protéger nos plus grandes faiblesses et nos plus graves défauts. De plus, ajoute-t-elle, ceux qui ont vidé l’article 7 de son contenu pénal sont habituellement des adversaires irréconciliables : des députés Frères musulmans et des élus du Parti national au pouvoir. Ajoutez-leur les indépendants. On voit donc que la rivalité politique ne nuit pas aux amitiés nouées autour de la violence contre les enfants. Ni les adversaires politiques, ni les femmes, ni les indépendants n’échappent à ce background culturel qui détermine leurs actes, souligne encore Dalal El-Bizri. En tant qu’Occidentale qui n’a jamais reçu des coups de baguette sur la plante des pieds, j’ai été choquée par le sort de la petite fille enchaînée. Mais un reste d’objectivité me force à constater qu’il reste encore de l’espoir pour tous s’il y a encore des gens pour dénoncer, à défaut de servir de repères ou de… cibles. Ce qui m’a décidée à persévérer dans ma quête. En avançant encore encombres, j’ai lu sur un site internet que le régime syrien a tué plus d’Arabes que les Israéliens en soixante ans de guerres. Que le principal témoin, devenu principal suspect, du meurtre de Rafik Hariri, s’est soudainement volatilisé comme l’imam Moussa Sadr. J’ai pu noter aussi que les auteurs de fetwas sont de plus en précis dans leurs arrêts de mort. Un téléprêcheur égyptien a franchi un nouveau palier dans ce domaine en se portant volontaire pour l’exécution de la sentence suprême. Le cheikh Tarek Al-Djoundi, parlant de Djamal Al-Bana, a dit : «Si Djamal Al-Bana était membre d’Al-Azhar, je l’aurais égorgé de mes mains.» Cette déclaration n’a pas été faite sur une chaîne satellite quelconque mais sur la très officielle deuxième chaîne de télévision publique. Cela s’est passé sur le plateau de l’émission «Al- Beit Beitek» qui pourrait se traduire par «faites comme chez vous». Pour proférer de telles horreurs, le cheikh Tarek Al- Djoundi devait effectivement se sentir chez lui et au milieu d’une famille aimante et soumise. Comment voulez-vous qu’un Occidental normal, aussi normal qu’un Algérien qui rêve alternativement de gauche à droite et de droite à gauche, se retrouve dans toute cette boucherie ?
Ahmed Halli Le Soir d'Algérie http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/04/14/article.php?sid=66954&cid=8
jeudi 17 avril 2008
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