lundi 8 janvier 2007

La sombre réalité du Liban

La «paix» revenue au Liban et l'argent du Hezbollah se déversant sur les sinistrés, il aurait semblé plus opportun de s'intéresser à Nancy Agram ou encore à Faten Hamama. Las, toutes les deux et tous les artistes parlent uniquement du Liban. Ce sont d'ailleurs les seuls à avoir des accents de sincérité quand ils se lamentent sur les ruines d'un pays saccagé de fond en comble. Les artistes et les poètes savent trop bien ce que le Liban représente pour la culture et pour la liberté de dire.La «paix» revenue au Liban et l'argent du Hezbollah se déversant sur les sinistrés, il aurait semblé plus opportun de s'intéresser à Nancy Agram ou encore à Faten Hamama. Las, toutes les deux et tous les artistes parlent uniquement du Liban. Ce sont d'ailleurs les seuls à avoir des accents de sincérité quand ils se lamentent sur les ruines d'un pays saccagé de fond en comble. Les artistes et les poètes savent trop bien ce que le Liban représente pour la culture et pour la liberté de dire. Ce n'est pas par hasard si le bonheur de survivre des Libanais est tempéré à l'évidence par un sentiment de mutilation. Il y a, certes, le Hezbollah qui exulte et qui brandit, provisoirement il faut croire, la corne d'abondance au lieu de l'épée du «djihad». «Hezbollah a de l'argent», répète à l'envi le Merani (1) local représentant du Parti de Dieu, devant les caméras des télévisions occidentales toujours en quête de frissons à barbe. On sait d'où vient l'argent mais les certitudes s'estompent quant à sa destination finale. Un fait est indéniable : c'est le parti de Nasrallah qui tire les marrons du feu libanais. Magnanime, le Hezbollah va même jusqu'à concéder une parcelle de «gloire» à son allié syrien Bachar Al-Assad. Ce dernier s'est d'ailleurs empressé de sauter sur l'occasion : c'est lui qui a planifié cette guerre avec ses alliés de la résistance et en «coordination étroite» avec l'Iran. Il le dit et il le répète à tous vents : c'est une guerre savamment planifiée et menée qu'a vécue le Liban. Il faut donc s'attendre à une imminente guerre de libération du Golan (2) avec la destruction partielle de Damas et des villes tampons syriennes. Et si vous ne me croyez pas réécoutez son discours fleuve devant le congrès des journalistes syriens et relisez les trois ou quatre interviews qu'il a accordées aux confrères arabes invités d'honneur (3). En tout cas, j'ai noté une information de taille dans les propos de Bachar Al-Assad, à savoir que les Arabes n'avaient pas besoin de son autorisation pour aller combattre Israël. Réponse indirecte à notre agitateur belliciste, Ali Benhadj, qui guerroie toujours sur les hauteurs des Tagarins ou d'El- Mouradia. Au reste, « les Arabes ne sont pas décidés à se battre sinon qui les aurait empêchés de se masser aux frontières d'Israël et de combattre les Israéliens», note au passage le quotidien Al-Hayat qui reflète, comme on le sait, le point de vue saoudien. Porteparole de nos directeurs de conscience attitrés, les Saoudiens, Al-Hayat s'est mis à l'heure des bilans, triomphalistes pour les uns, mitigés ou franchement pessimistes pour les autres. Il faut donc le ranger parmi les grands déçus de la crise libanaise. Pour le quotidien saoudien, il y a finalement deux grands perdants dans ce conflit : Israël et le Hezbollah. Israël, dit-il, a perdu parce qu'il s'est montré incapable d'attaquer l'Iran et la Syrie, le principal pourvoyeur d'armes et leur passage obligé. Quant au Hezbollah, il a échoué dans son projet d'entraîner le monde arabe dans son djihad puisque les Arabes ont refusé de le suivre. Cela étant, notre confrère occulte, et pour cause, l'identité du troisième et plus gros perdant, j'ai cité les Saoudiens. Ils mettront au moins une dizaine d'années sinon plus à se relever du coup que leur a porté Nasrallah aux plans religieux et idéologique. Ce n'est pas demain, évidemment, que l'Adhan chiite viendra troubler le sommeil auroral des néowahhabites mais la graine est semée. Elle germe déjà entre deux sachets décrépis dans les espaces verts du Climatde- France et de Bab-el-Oued. Le chiisme comme «solution islamique» alternative au sunnisme à court d'imagination, pourquoi pas ? On a vu et entendu pire que ces insanités- là. C'est pourtant l'issue qu'appréhende à terme, pour le Liban, le penseur Chaker Nabulci. Dans sa contribution régulière au quotidien koweïtien Al-Siassa, il estime qu'une république islamique de type iranien au Liban est désormais probable. Chaker Nabulci estime, en effet, qu'auréolé de sa «victoire» au Sud-Liban, le Hezbollah peut aujourd'hui envisager cet Etat théocratique dont avait rêvé Khomeïni. Sinon, comment expliquer que le Hezbollah qui prétend incarner la résistance à l'occupation ne soit ouvert qu'aux seuls chiites et aux khomeïnistes de surcroît ? Comment se fait-il qu'il n'y ait ni sunnites ni maronites dans ce mouvement qui prétend libérer le sud du pays ? Comment un mouvement qui se prétend libanais peut-il défiler avec les seuls portraits de Khomeïni, de Khamanei et de Ahmadinejad ? Le Hezbollah est né et a grandi avec le soutien de l'Iran et de la Syrie sous le regard de tous les responsables libanais, note encore Chaker Nabulci. Les Américains aussi n'ignoraient pas les efforts accomplis par ce mouvement pour s'équiper et pour devenir la première milice armée du Liban et du monde arabe. C'est au vu et au su de tous que le parti de Nasrallah s'est introduit dans tous les rouages de l'Etat libanais pour s'enrichir et pour devenir plus fort. L'écrivain jordanien rappelle ensuite les propos récents tenus par un des dignitaires du régime des ayattollahs, Ali Akbar Mohtachemi, ancien ambassadeur d'Iran en Syrie et au Liban, à propos du mouvement de Hassan Nasrallah. Il disait : «Le Hezbollah fait partie du pouvoir en Iran. Le Hezbollah est un élément fondamental du dispositif militaire et sécuritaire iranien. La relation du Hezbollah avec l'Iran va plus loin que celle d'un régime révolutionnaire avec un parti ou une organisation révolutionnaires à l'extérieur du pays.» «Transposées sur le terrain, que traduisent ces trois phrases ? s'interroge alors Chaker Nabulci. Le Liban se transformera-t-il en république islamique comme c'est le cas aujourd'hui de sa partie sud, devenue une mini-république islamique avec comme guide suprême Hassan Nasrallah ? ». Notre confrère irakien Khoudhir Tahar va plus loin dans un article que publie le journal des Emirats Al-Itihad. Il prévoit un Etat chrétien sécessionniste dans la partie libanaise à majorité maronite. Khoudhir Tahar prévoit une reprise des hostilités entre le Hezbollah et Israël. Les gens qui pensent que le Hezbollah va désarmer commettent une lourde erreur, dit-il, et ce n'est pas dans les plans de l'Iran. Une nouvelle offensive israélienne lui portera des coups plus durs et il sera réduit à engager des hostilités avec les sunnites, les Druzes et les Maronites. En échange d'un cessez-le-feu, le Hezbollah acceptera de mettre fin à la guerre civile engagée contre les autres communautés libanaises. C'est alors que les chrétiens proclameront leur Etat et toutes les conditions sont réunies pour que cet Etat bénéficie de la reconnaissance internationale, prédit notre confrère qui explique cette issue en ces termes : «Si moi le musulman chiite, je suis en désaccord avec le Hezbollah chiite, comment peut-on demander à un Maronite que tout sépare du Hezbollah de cohabiter avec lui dans ces conditions ? ». République khoméiniste ou mini-Etats confessionnels, l'avenir du Liban, victime de sa réussite, devra encore être dicté en dehors du Liban. C'est la très banale et très sombre réalité. A. H.

(1) Qui se souvient du chargé de l'action sociale du FIS de la belle époque ? Celui qui faisait croire au bon peuple, entre un gigot de mouton et un costume d'époque, que l'Etat islamique de Benhadj c'était la prospérité et la fin des séismes. Recrue providentielle de la concorde nationale première mouture, il s'est effacé depuis au profit de marathoniens plus aguerris.
(2) Ce n'est pas le même relief ni le même pays mais sait-on jamais.
(3) Triste époque : les «frères» algériens n'étaient pas conviés à la fête à moins qu'ils y aient joué le rôle de convives honteux.


Le soir d'Algérie Ahmed Alli http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/08/21/article.php?sid=42202&cid=8

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