lundi 29 janvier 2007

Grandeur et décadence des idoles

Comment un homme adulé, porté aux nues il y a à peine six mois, peut-il se transformer en monstre sanguinaire, ennemi des Arabes? Au mois d'août dernier, le Libanais Hassan Nasrallah était l'idole des foules à Belcourt et à Oued- Koreiche. Pour les fanas de la marche arrière, il avait réussi à ramener le Liban là où il devait être : au même niveau que tous les autres.C'est tout de même intolérable qu'un pays arabe veuille vivre mieux et avec plus de libertés que tous ses autres voisins. Nasrallah était donc le champion rêvé pour accomplir la plus possible des missions : tirer tout ce beau monde vers le bas. Seulement, il en a trop fait, le Nasrallah ; et allumer un vaste feu à Beyrouth ne suffit pas à dissimuler les préparatifs d’incendie des pyromanes de Téhéran. De plus, il n'a pas tenu compte des risques d'affrontements entre sunnites et chiites et il y en a eu malheureusement. Le plus ultra des religieux chiites a fait vibrer la corde sunnite, déjà bien tendue depuis le simulacre d'exécution de Saddam. Depuis, le chiite arrogant et lançant des défis à Israël a chuté dans les sondages de quartiers. La rue arabe lui tourne ostensiblement le dos. Tous les supporters de football qui clamaient son nom reviennent à nouveau vers nos chères vedettes aux jambes lourdes. Le verdict populaire est tombé : le chiisme ne passera pas, et surtout pas dans nos écoles. Pour faire place nette et laisser le champ libre au fondamentalisme wahhabite, les quelques trublions qui se piquaient de chiisme on été interdits de redoubler. Seuls les bons enseignants, nourris de "salafisme" pur et dur, pourront désormais imprégner nos chers petits de la substantifique moelle. Celle qui empêche durablement l'érection des neurones et la fébrilité des cortex. Pour assurer le succès de cette entreprise et lui conférer un cachet authentiquement algérien, les responsables de nos déboires éducatifs ont encore innové : les cours de la matinée et de l'après-midi seront désormais ponctués par une séance de lever des couleurs. De quoi donner une indigestion de nationalisme à nos chérubins qui auront ainsi tout le loisir de disséquer le politique du religieux.


Une fois la question du nationalisme évacuée, si j'ose dire, dans le cadre des programmes éducatifs, il faudra penser à l'avenir. Réfléchir à la question de l'emblème national et de ses composantes. Pas question de recourir au drapeau saoudien, déjà propriété exclusive et inaliénable du FIS et de ses avortons, élus au suffrage universel. Il faudrait peut-être réfléchir à une solution intermédiaire : garder les couleurs actuelles défraîchies par une exposition trop longue aux intempéries et leur ajouter quelque chose. Je vois bien une épée turque, façon janissaire avec une inscription sur le plat proclamant la résurrection du califat ottoman qui fit régner la lumière et la prospérité dans ses harems. On pourra y ajouter une inscription à la gloire de Dieu, comme le fit cet opportuniste de Saddam. On pourra alors célébrer sans honte le culte du "dirigeant martyr" que prônent tous les journalistes nostalgiques des largesses proverbiales du Raïs (1). Sur ces entrefaites, les théologiens les plus en vue du sunnisme et du chiisme se sont réunis à Doha, capitale du Qatar, autre nom du porte-avion américain stationné dans le Golfe. Selon ses initiateurs, dont le cheikh Karadhaoui, pacifiste de fraîche conversion, il s'agissait d'établir un dialogue durable entre les deux grandes familles de l'Islam. Il y a eu dialogue, en effet, mais du genre qu'échangent des guerriers sur le champ de bataille. Heureusement que tout ce beau monde avait été fouillé à l'entrée, sinon la conférence aurait viré au massacre. L'empoignade verbale a été particulièrement virulente, comme le rapportent les médias. Doha n'a pas accueilli des hommes de religion mais des émissaires de leurs pouvoirs respectifs, dûment mandatés pour empêcher l'impossible entente.


La conférence de Doha a ainsi tourné à la lutte d'influence de deux courants négationnistes. Le premier, sunnite wahhabite, qui ne voit dans le monde musulman qu'un troupeau de fidèles asservis à la ligne "salafiste". Le second, chiite, qui réfute toute autre doctrine "kharédjite", hors la ligne dirigeante des duodécimains. Tout ceci sur fond de tueries et de massacres en Irak. Résultat : la conférence de Doha a accentué les dissensions au lieu de les réduire. Ceux qui sont tentés de voir derrière cet échec les mains réunies de la CIA et du Mossad n'ont pas entièrement tort. Si de telles joutes (2) avaient été préparées et animées, en sous-main, par les deux services secrets, le résultat n'aurait pas été aussi probant. Encore une fois, Bush a des raisons de ne pas désespérer des Arabes. Ils se comportent exactement, conformément aux plans américains. Car, au final, l'objectif de Bush et de l'Amérique n'est pas d'instaurer la démocratie dans le monde arabe. "C'est trop bien pour ces gens-là", doit-il se dire in petto. Et puis, connaissez-vous un meilleur endroit pour y déverser les surplus de la civilisation industrielle ? C'est là le discours que Bush tient en filigrane aux Arabes lorsqu'il s'adresse à ses concitoyens. Les Anglais, ses alliés, eux qui se prennent pour la première démocratie du monde et pensent avoir réglé le problème du communautarisme sont en passe de déchanter. Leurs efforts pour intégrer les musulmans de Grande-Bretagne sont en train d'aller vers l'échec. L'année dernière, les autorités avaient déjà tiré la sonnette d'alarme en reprochant aux imams du royaume de ne pas faire d'efforts suffisants pour enrayer le terrorisme islamiste. Ce qui, en clair, signifiait que les hommes du culte encourageaient tacitement ou activement le terrorisme à défaut de le combattre. Le magazine Elaph s'est fait, par ailleurs, l'écho d'un incident qui a eu lieu en début de cette année et qui pourrait avoir un effet boule de neige. Comme on le sait, les responsables de la police londonienne essaient d'intégrer des femmes policières dans leurs effectifs. Dans le souci de séduire, ces messieurs avaient même été jusqu'à proposer aux futurs "conscrits" une "tenue islamique", conforme au nouveau dogme. Le chef de la police pensait avoir donc réglé un épineux problème lorsqu'il s'est rendu récemment dans une école de police pour présider la sortie d'une promotion féminine. Le directeur de l'école l'a informé toutefois d'un casse-tête de dernière minute. L'unique élève musulmane de la promotion refusait de se plier à la poignée de main traditionnelle, par conviction religieuse. De plus, elle ne voulait pas figurer aux côtés du responsable pour la non moins traditionnelle photo souvenir. Des collègues de la policière ont expliqué qu'elle croyait à son premier devoir qui est de défendre la loi mais en cas de choix, elle opterait pour ses devoirs religieux. Ce qui fait dire à notre confrère qu'il va être bien difficile pour cette jeune fille de faire son travail de policière. "Comment réagira-t-elle si elle est en face d'un homme pris d'un malaise cardiaque et qu'elle est obligée de lui faire un bouche-à-bouche ? Est-ce qu'elle se déshabillera et se jettera à l'eau pour sauver un homme de la noyade comme on le lui a enseigné ?", interroge-t-il. Il ne faudra pas s'étonner que les Britanniques se méfient des ces musulmans qui veulent bien des avantages sociaux de la citoyenneté mais qui refusent de se mouiller. A. H.(1) Notre amie Raja Benslama s'est étonnée de la propension des Arabes à vouer un culte à leurs tyrans les plus sanguinaires. Comme tous les psychologues amateurs, je suis tenté de chercher des origines arabes au masochisme. (2) Je ne sais pas pourquoi mais de telles réunions me font penser au poème tragicomique de Nicolas Boileau sur la "Bataille du lutrin" qui met en scène des curés de l'autre bord.Ahmed Alli Le soir d'Algérie http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2007/01/29/article.php?sid=48876&cid=8

Aucun commentaire: