jeudi 30 novembre 2006

La preuve par Zarkaoui

Une vieille tradition de ce pays veut qu'on enterre un parent, victime d'un meurtre, juste devant l'entrée de sa maison. Afin, dit-on, que le ou les meurtriers n'enjambent pas la tombe du défunt, rééditant ainsi le crime. Les diplomates algériens Belaroussi et Belkadi, assassinés par Zarqaoui, n'ont pas eu de sépulture mais leurs tombes virtuelles sont régulièrement profanées, sous les yeux de leurs familles indignées et de leurs concitoyens apathiques.

Il est vrai qu'on vit une époque où seules les victimes sont sommées d'être algériennes et de pardonner en vertu de la loi. Les victimes ne sont qu'algériennes et ne doivent allégeance qu'à leur drapeau. Les bourreaux et leurs théoriciens n'ont de comptes à rendre qu'à Dieu, c'est ce qu'ils disent, et les frontières de leur patrie sont celles que dessinent Zarqaoui et les siens. C'est au nom de ce principe que Benhadj et d'autres islamistes, en fuite ou salariés, justifient qu'on tue des Algériens, ici ou là-bas. Jusqu'à la mort de Zarqaoui, ses émules n'osaient pas trop pousser des cris d'allégresse au récit de ses carnages. La disparition du terroriste jordanien a, paradoxalement, libéré ses partisans et ses admirateurs de toutes entraves, comme celles de la pudeur et de la décence. Dans cet exercice, on notera la "performance" des quatre députés jordaniens Mohamed Abou Fares, Ali Abou Sakar, Ibrahim Al- Machoukhi et Djafar Al-Hourani (1). Ces quatre élus de la mouvance islamiste, vous l'aurez deviné, se sont déplacés à Zarqa, village natal de Abou Mossaab, pour rendre hommage au terroriste défunt. Le théologien attitré du groupe, Abou Fares, a décerné la qualité de "chahid" à Zarqaoui, la confisquant du même coup aux victimes de ses attentats en Jordanie même. Devant la tempête de protestations, les dirigeants du "Front de l'action islamique" (Frères musulmans), parti des quatre parlementaires, a usé de la formule traditionnelle. Leur porte-parole ne condamne pas la démarche et les propos mais précise qu'elle est de la seule responsabilité de ces élus. Quant à la qualité de "chahid", le débat n'est pas encore tranché, aux dires de ce monsieur, puisque des divergences existent dans ce domaine. Une réponse que vous pouvez entendre aussi bien à Amman qu'au Climatde- France. En Palestine, on a fait mieux : des manifestations "spontanées" ont éclaté en signe de protestation contre l'assassinat (sic) de Zarqaoui par les Américains. Hamas, dont une branche arthritique sévit en Algérie, a rendu hommage au terroriste. Ce qui conforte les inquiétudes du président palestinien quant à une accointance du Hamas avec le groupe Al-Qaïda. Comme c'est la saison des rappels, notez que Ben Laden a d'abord servi les Etats-Unis avant de se retourner contre eux. Quant aux liens du Hamas avec Israël, il faut juste se souvenir de l'époque où ses hommes paradaient impunément en Cisjordanie alors que les autres groupes palestiniens étaient impitoyablement traqués. La preuve par Zarqaoui ainsi établie, il ne faudra pas vous étonner, demain, que les familles Belaroussi et Belkadi vous claquent la porte au nez si vous les sollicitez au nom de la solidarité arabe. Ne soyez pas choqués encore que le président Chirac "demande" aux Palestiniens de reconnaître Israël et "prie" Ehud Olmert de négocier avec les Palestiniens. Entre demander et prier, la nuance est de taille. C'est le gouffre qui sépare Israéliens et Arabes dans le regard de l'Occident. Ce n'est pas le soutien occidental à l'Etat sioniste qui rend les Arabes irréductibles mais plutôt l'inverse. Depuis la volée de bois vert arabe infligée à Bourguiba, parce qu'il proposait de négocier avec Israël, il y a toujours un clan influent pour dire non à n'importe quelle initiative même après avoir dit oui à tout. On est loin du retour aux frontières d'avant juin 1967 et les Palestiniens s'installent sur des lambeaux d'Etat mais les "refuznik" sont toujours là. Avant, ils le faisaient au nom de l'unité arabe, ce qui était compréhensif, aujourd'hui, c'est l'Islam qui est attaqué. Ils proclament le "djihad" et la nécessité de tuer beaucoup de musulmans pour sauver la religion. Zarqaoui a tué beaucoup plus d'Arabes un peu partout qu'Israël en Palestine mais les grands médias, comme les télévisions satellitaires, en ont fait un martyr. Où s'arrêteront le délire et la frénésie des trémulants? Le fécond et non régressif chroniqueur du magazine Elaph, Khaled Mountassar, ne voit pas de limites à cette quête systématique du divin. "L'islam se décline sous toutes les étiquettes commerciales, dit-il, que ce soit pour la coiffure islamique, le maillot de bain islamique, le téléphone islamique ou la grippe aviaire islamique". Sur ce dernier point, il brocarde le dernier avatar d'un homme politique, Mohamed Abdelal, qui vient de publier un livre intitulé l'Islam et la grippe aviaire. Cet ouvrage est une compilation de références religieuses sur la manière de combattre la grippe aviaire. Il affirme, entre autres, que la maladie est une punition de Dieu, une croyance très largement répandue aujourd'hui. Khaled Mountassar se souvient que Mohamed Abdelal a créé avec le chanteur Chaabane Abderrahim (2) un mouvement de soutien à Moubarak pour contrer le mouvement "Kifaya". Khaled Mountassar, qui dénonce régulièrement l'expansion de la superstition et de la crédulité populaires, cible en particulier les télévisions qui sont les principaux instruments du développement de ces phénomènes. Il note ainsi l'apparition d'une nouvelle mode qui consiste à proposer le "niqab" comme étape obligée après celle du "hidjab". Lisez plutôt : "Pouvez-vous imaginer ou concevoir que Dieu le Très Haut, le Miséricordieux, puisse mettre le feu à une maison et y détruire tout ce qu'elle contient rien que pour obliger une femme à abandonner le "hidjab" ou l'écharpe pour le "niqab"? C'est pourtant ce que j'ai vu et entendu de la part de la téléspeakerine repentie et retraitée Kamélia Al-Arabi. Elle est la sœur de l'acteur repenti et retraité, héros du film Hammam Al-Malatili, Mohamed Al-Arabi. C'est également la sœur de l'acteur repenti et en semi-retraite, Ouejdi Al-Arabi". Kamélia raconte que sa maison a brûlé et que tout l'argent de son mari, réalisateur de clips musicaux, a brûlé avec. Il avait retiré toutes ses économies de la banque (3) parce que celle-ci pratiquait l'usure (comprendre intérêts). Elle raconte également qu'un exemplaire du Coran est resté intact. C'est ce qui l'a déterminée à passer à franchir l'étape du "niqab". Perplexité encore de Khaled Mountassar qui se demande comment un exemplaire du Coran, en papier, peut échapper aux flammes alors que des billets de banque ont brûlé. Dans ce cas, dit-il, pourquoi ne pas brûler l'argent des banques suisses ? (4). Le chroniqueur égyptien interpelle, enfin, Cheikh Salah Kamel, propriétaire d'ART : "L'Islam, ce n'est pas la Coupe du monde pour que vous puissiez vous permettre de le monopoliser comme vous le faites pour le football." Khaled Mountassar devrait pourtant savoir que les monopoles prospèrent d'abord en religion. Le reste ou la conséquence viennent après. A. H.

(1) Je ne cite pas ces noms pour vous donner des écorchures aux lèvres mais pour vous en souvenir au cas où… la mémoire des victimes est plus fragile que celle des bourreaux, c'est connu. Qui sait ? Ces députés pourraient bien être invités, un jour, à venir ranimer notre foi vacillante.
(2) Vous savez, celui qui chante contre la grippe aviaire.

(3) Le repentir est une excellente raison sociale pour une entreprise familiale. Au fait, essayez de comparer les "intérêts" de la banque "Al-Baraka" avec ceux des autres établissements financiers dans les crédits voitures.

Le soir d'Algérie Ahmed Alli http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/06/19/article.php?sid=39967&cid=8

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