L'acteur et l'actrice égyptiens Nour Cherif et Boussy divorcent après trente ans de mariage. Il y a une dizaine de jours à peine, un magazine du Caire vantait la solidité et la longévité de ce couple exemplaire. On peut se demander si le fait d'avoir joué un rôle de polygame avec le succès que l'on sait n'a pas donné d'idée à Nour Cherif.
Une idée qui aurait spontanément germé au contact de notre cinéma agonisant et de notre wahhabisme trottinant. Nour, rappelle-t-on, a séjourné récemment en Algérie, à l'occasion de la semaine du film égyptien. De fil en aiguille, pourquoi l'annonce du divorce a-t-elle été faite quelques jours seulement après le départ de l'acteur d'Alger ? Voilà la question que je me poserais et à laquelle j'essaierais de répondre si j'étais à la tête d'un journal en quête de sujet à sensation et de lecteurs. La réponse doit fuser déjà : on s'occupe de choses plus sérieuses. On n'a pas de temps à perdre en futilités comme celle de la rupture du couple Cherif-Boussy. Tant pis pour moi ! me suis-je dit, dans un premier temps. Je continuerai donc, vaille que vaille, à lutter seul pour que les dépits de Boussy et les provocations de Marwa (1) aient droit de cité. Seulement, je me suis laissé dire après réflexion que les choses n'étaient pas aussi nettes qu'elles paraissaient être (2). Je n'ai pas cru un seul instant, par exemple, qu'il faille nécessairement publier la photo d'un crime pour fustiger ses auteurs. C'est l'explication avancée par un journal jordanien pour justifier la reprise des caricatures offensantes. On dit que les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions mais en ce qui concerne certains fonds de commerce de presse, j'ai des doutes. Je trouve même qu'il y a une certaine justice dans les mésaventures de journaux qui ont fait de l'Islam une raison sociale. A trop vouloir prouver et à force de broyer du vert… Comme je ne prends pas les choses trop à cœur, par égard pour ma tension, je préfère musarder, sortir des sentiers battus. J'ai regardé ailleurs, pendant que tous mes frères, en religion, pointaient un doigt accusateur et homicide vers Copenhague, Oslo et Paris (2). Indisposé par les consulats qui brûlent et les cris de mort, j'ai tourné le dos aux JT et j'ai zappé, comme disent les chroniqueurs de télévision. J'ai entrepris de traquer les offenses là où on les cherche le moins, c'est-à-dire en pays musulmans. Je ne vous lasserai pas avec les offenses commises par ceux qui tuent des innocents au nom de Dieu et de son Prophète. Elles sont si nombreuses et si présentes qu'il ne servirait à rien de les énumérer ici. Elles relèvent désormais du “politiquement et religieusement correct”, la doctrine à laquelle tout le monde se plie désormais. Aussi vous épargnerai-je encore la liste, trop longue, des méfaits commis sous couvert de la religion et ayant reçu l'absolution idoine. Je ne m'étendrai pas enfin, quoique le sujet le mérite, sur ces galopins qui n'ont que des obscénités à la bouche et qui portent qamis le vendredi. Rien n'empêche, cependant, de débusquer certains offenseurs qui opèrent dans la légalité, voire avec l'assentiment des majorités. Voici donc, à votre intention, quelques-unes des offenses qui devraient soulever l'ire des bons musulmans de tous pays : Le quotidien londonien Al- Hayat, qui brûle méthodiquement aujourd'hui ce qu'il a adoré hier, a décrit mercredi dernier les étals du centre-ville de Amman, capitale de Jordanie. Il fait état de l'inquiétude des autorités devant le succès grandissant d'œuvres vantant les opérations-suicides. Les chants à la gloire des kamikazes sont relayés par hauts-parleurs et ce sont les produits les plus demandés. Ces œuvres, pourtant interdites depuis les attentats contre les grands hôtels de la capitale, se vendent sur tous les marchés. Elles sont le produit de référence des marchands du temple qui s'installent autour des mosquées. Al-Hayat constate que malgré le revirement de l'opinion jordanienne après les attentats du 9 novembre 2005, l'intolérance et l'incitation à la violence dominent toujours le marché. Le quotidien saoudien n'omet pas de signaler, entre autres titres, celui de l'indétrônable “torture du tombeau”. En tapant ces mots en arabe sur un moteur de recherche, vous recevez plus de trente mille propositions de sites. Ce qui en dit long sur le système de communication mis en place par l'internationale islamiste. Comme nous sommes en période de surenchère, j'avais relevé il y a quelque temps cette info sur le mensuel libanais Al-Naba. Il était question de l'apparition sur les marchés de Beyrouth de cassettes audio avec les cris des suppliciés du tombeau. Ces plaintes des corps torturés dans leur sépulcre auraient été enregistrées en Sibérie par un géologue russe. Pendant qu'il creusait le sol, ce monsieur a entendu des gémissements provenant du sol. Comme il n'est pas superstitieux, il a actionné son magnétophone, outil indispensable du géologue comme chacun sait. Résultat : un mixage sonore avec des plaintes humaines, le bruit du vent glacial souterrain, de la musique macabre. Le tout ressemblant à la bande sonore d'un film d'épouvante réalisé dans les studios occidentaux. Pour le marché algérien, ils ont fait mieux : c'est le très sérieux Al-Khabar qui nous l'a appris la semaine dernière dans son supplément hebdomadaire “Evènements”. Des images d'un corps ayant subi les tortures du tombeau sont gravées sur CD, lesquels se vendent sur les marchés semant l'épouvante au sein de la jeunesse. Le journal explique qu'il s'agit du cadavre d'un jeune de dix-huit ans, exhumé trois heures seulement après sa mise en terre. Pourquoi cette exhumation ? La réponse est simple et elle émane du propre père du jeune décédé qui avait des doutes sur les causes réelles de la mort de son fils. Vous me suivez ? Il procède donc à l'exhumation et là, ô surprise, le corps était d'une couleur bleu noir et les cheveux étaient blanc neige. Pourquoi ? C'est le père éploré qui donne la réponse : “Le jeune homme ne faisait pas la prière et écoutait des chansons.” Par ailleurs, et en bon musulman, le père a pris soin de convoquer un caméraman pour filmer le cadavre de son fils. Afin que nul n'en ignore, comme on dit. Quant au distributeur du CD, il estime que la terreur est parfois nécessaire pour ramener les gens sur le droit chemin. Dans tout cela, vous l'aurez remarqué, il n'y a pas trace d'un délit quelconque comme l'incitation à la profanation de sépulture (4). C'est l'intention qui compte et la fin justifie les moyens. “Essaraha raha”. La sincérité fait du bien. Alors, de vous à moi, qui est le plus offensant ? Le dessinateur qui ne sait rien de l'Islam ou le dévot à la criée qui joue les prêcheurs pour faire prospérer son commerce ?A. H.
(1) “Essaraha raha”, le dernier clip de la pulpeuse libanaise fait scandale. Il aborde sans détour le mal obsessionnel de l'homme arabe avec ce refrain éloquent : “Pour être sincère, mon amour, tu ne sais pas; pour être sincère, tu ne peux pas.” (2) Comment interpréter l'irruption de ces “QSSSL” qui fleurissent sur les pages de journaux comme des coquelicots ? Conversion tardive ou concession tactique à la ferveur du peuple et de son roi ? (3) Comme d'habitude, une main mystérieuse appuie à sa guise sur les interrupteurs à indignation. C'est sans doute la même main qui a sorti les vidéos sur les exactions de Abou- Ghrib, ça permet de maintenir la marmite à ébullition. (4) Bien entendu, on ne sait pas où et quand ces images ont été tournées mais on sait qui les exploite à des fins commerciales.
Le soir d'Algérie Ahmed Alli http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/02/20/article.php?sid=34687&cid=8
mardi 28 novembre 2006
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