jeudi 30 novembre 2006

Les nouvelles couleurs de l'Iran

Les peuples ont le dos large, c'est connu et on peut donc leur coller autant de choses qu'on veut. Des tyrans tyrannisent au nom du peuple, des injustices sont rendues aussi au nom du peuple. En son nom, on peut commettre autant d'excès que d'actions louables et souvent beaucoup plus. Il y a cependant des peuples qui ont le dos plus large que d'autres sans que l'anthropologie physique puisse l'expliquer.C'est le cas du peuple palestinien. Des dos larges comme ça, il n’y a qu'en Algérie qu'on peut trouver l'équivalent. Longtemps après que les Palestiniens auront fini de s'entretuer et qu'ils vivront à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, ils porteront encore leur fardeau. A ce jeu préféré des Arabes du pourtour, les Palestiniens eux-mêmes se sont laissé prendre. C'est au nom du peuple palestinien que le porte-parole du Hamas Abou Zohri (d'après l'état civil salafiste) est allé collecter des fonds en Egypte. Ceux qui ont donné l'argent ont agi par solidarité avec la cause palestinienne et ça fait soixante ans que ça dure. Là où le bât blesse, en dépit du dos large et tanné, c'est qu'au retour vers Ghaza, le très médiatisé porte-parole, improvisé convoyeur de fonds, a été pris la main dans le sac. Il essayait de faire passer la somme rondelette de 650 000 euros sans les déclarer aux douaniers du poste frontière de Rafah. Les douaniers qui agissent, eux aussi, au nom du peuple palestinien, ont trouvé l'affaire suffisamment louche pour décider de saisir l'argent. Indigné, Abou Zohri a ameuté les milices du Hamas et a brandi son arme suprême : cet argent est destiné au peuple palestinien ! Ainsi donc, l’imperturbable représentant du Hamas voulait distribuer cet argent au peuple sans le déclarer au préalable. Il voulait faire une belle surprise au peuple et pratiquer envers lui la plus noble des charités, celle qui se fait de façon anonyme. Que cet argent ait été destiné à alimenter les caisses du Hamas pour parachever son coup d’Etat rampant n’est que pure spéculation. Le chef du gouvernement Hamas l’affirme : l’armée barbue qu’il est en train de mettre en place est destinée à rétablir l’ordre et la loi. Dans ce cas, pourquoi avoir attendu le voyage du président de l’Autorité palestinienne pour déployer les milices du Hamas ? C’est la question à laquelle toutes les chancelleries ont répondu : le Hamas veut prendre le pouvoir, tout le pouvoir, sans aucune perspective d’alternance. La guerre civile semble être inévitable et c’est le Hamas palestinien qui déclenche les premières escarmouches. En tout cas, les intentions du Hamas semblent suffisamment troubles pour que le quotidien Echarq-al-Awsat s’y intéresse cette semaine avec cette interrogation : "Zarqaoui en Palestine?" Sous la plume de Abderrahmane Errached, le quotidien saoudien de Londres rappelle que "depuis des années, Al-Qaïda invoque la cause palestinienne pour justifier ses attentats dans le monde sans, pour autant, tirer un seul coup de feu contre Israël ". Cependant, note le journal, des indices récents font état de la volonté du mouvement d'activer dans les territoires occupés. Le président palestinien lui-même a fait état de sa préoccupation devant l'arrivée d'éléments d'Al-Qaïda dans les territoires occupés. Cette semaine, des informations font état de l'entrée en clandestinité d'un activiste du Hamas connu pour ses accointances avec Al- Qaïda. Tout le monde mesure l'étendue du préjudice causé à tous les pays du monde arabe par les attentats terroristes d'Al- Qaïda, ajoute le quotidien. A l'exception de la Palestine qui a gardé un capital de sympathie intact au sein de la communauté internationale. S'il y a bien une chose que souhaite Israël, souligne Echarq-al-Awsat, c'est d'impliquer Al-Qaïda dans le conflit palestinien afin de tirer des bénéfices politiques et économiques de l'aversion que suscite Al-Qaïda dans le monde. Si le mouvement arrive en terre de Palestine, nous entrerons dans une période plus dangereuse que toutes celles que nous avons connues. Nous verrons des zarkaouistes tuer des Palestiniens sous prétexte qu'ils sont chrétiens ou qu'ils sont en relation avec des personnes ayant des divergences avec Al-Qaïda, tout comme en Irak. Israël s'assurera alors une présence plus durable dans les territoires occupés à moins qu'elle ne parvienne à une situation qui ferait d'elle une force d'appui à des parties palestiniennes victimes d'Al-Qaïda. Rappelant que beaucoup de gens au sein de l'Autorité palestinienne et en dehors d'elle accusent Hamas d'être le cheval de Troie d'Israël, le quotidien saoudien souligne que si ces accusations sont fondées, le mouvement palestinien finira sur la même voie. Le Hamas a-t-il besoin de jouer une carte perdante alors qu'il a gagné des élections et qu'il est arrivé au pouvoir par les urnes ?, interroge Echarq-al-Awsat avant de conclure : "Les divergences de Hamas avec le Fatah autour de l'exercice du pouvoir ne peuvent expliquer le recours à Al- Qaïda que si cette organisation a choisi de se suicider et de détruire la cause palestinienne." Ce qui est sûr, par contre, c'est que le conflit interpalestinien va faire gagner dix ans, si ce n'est plus, à Israël. Un délai qu’il mettra à profit pour imaginer de nouveaux moyens de gagner du temps. Comme de créer un nouveau Hamas, comme il l’a fait avec l’actuel. Tout cela sans perdre de vue les intérêts redessinés, morcelés, émiettés du peuple palestinien qui gardera tout de même l’intégrité de son dos sans que l’anthropologie y comprenne quoi que ce soit. En attendant, c'est l'Iran de Mahmoud Ahmadinedjad qui offre matière à réflexion, et à étonnement aussi, tant aux anthropologues qu'aux personnes moins bien intentionnées. Le président iranien s'efforce, en effet, de justifier tout le mal qu'on dit de lui. En fait, ce n'est pas l'Occident qui diabolise Ahmadinedjad, c'est Ahmadinedjad qui se fait l'apôtre le plus convaincu du démonisme. Sa dernière trouvaille : un uniforme unique pour tous les hommes et toutes les femmes d'Iran. Cet uniforme auquel le Parlement iranien vient d'apporter les dernières retouches, sera conforme aux canons islamiques et donc obligatoire. Quant aux minorités religieuses, elles devront s'habiller différemment des musulmans. Pour les juifs, on n'a pas cherché très loin, on s'est inspiré de ce bon vieux "cheikh" Hitler. Les juifs porteront donc du jaune, comme à l'époque du nazisme triomphant. Les chrétiens seront costumés en rouge et les zoroastriens seront autorisés à sortir en bleu. Du rouge et du bleu pour mettre en valeur le jaune ! Aucun uniforme, hormis sans doute le linceul, n'est exigé des athées qui se garderont bien de se délester du voile de la dissimulation. Il y a, d'autre part, une trouvaille dans cette loi puisqu'elle proscrit le port de la cravate qui renvoie à la croix, selon les législateurs. Il faut préciser que cette loi dormait déjà dans les cartons à projet du parlement depuis plusieurs années. L'ancien président Mohamed Khatami l'avait bloquée pour rester fidèle à son image de réformateur. Les partisans de Ahmadinedjad ont profité du climat de passion suscité par la bataille de l'Iran contre le reste du monde pour ressortir le projet. La loi votée n'est pas encore applicable tant qu'elle n'a pas été approuvée par le guide suprême de la révolution, Ali Khamanei. Les dirigeants arabes qui ont hurlé d'effroi devant le péril nucléaire iranien, pour être en phase avec Washington, observent un silence assourdissant devant ce racisme proclamé à la face du monde.A. H.

Le soir d'Algérie Ahmed Alli http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/05/22/article.php?sid=38715&cid=8

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