mardi 28 novembre 2006

Quand Fella supplante Barbie

Ça ne vous paraît pas bizarre que des évènements et des attitudes se répètent comme si nous avions affaire à un scénario bien ficelé. Où se trouvent donc les meilleurs scénaristes du monde ? A Hollywood, bien sûr ! Si ce qui se passe actuellement au Proche-Orient a été programmé par les Etats-Unis, comme on le suggère, qui sont alors les exécutants ?



Prenons un à un ces complots américains que dénoncent avec vigueur ces mêmes exécutants. En Irak, Saddam le matamore harangue les foules en leur annonçant que l'Irak possédera bientôt la bombe atomique. Il ne manquait au discours galvanisant qu'une visite organisée à la centrale nucléaire, matrice de la future bombe. Ce sont les Israéliens qui visitèrent le site en le détruisant, avec la bénédiction des Américains. Avec un peu plus de sagacité, les Irakiens auraient pu accuser Saddam d'intelligence publique avec l'ennemi. Car, enfin, on n'a pas idée de préparer l'extermination de l'autre en l'informant suffisamment à l'avance des modalités de cette extermination. Le même Saddam déclenche ensuite une guerre contre l'Iran, avec les encouragements et le soutien de Washington. Avec le même soutien tacite, il envahit le Koweït. Les Américains “libèrent” le Koweït mais s'abstiennent de libérer l'Irak de son dictateur. Au moment où l'Irak commence à se relever de ses ruines, Saddam tonitrue encore qu'il possède des armes de destruction massive. L'Irak est occupé. Hormis quelques bonbonnes de gaz surdimensionnées, on ne trouve pas trace de ces armes. Aujourd'hui Saddam est prisonnier. Il plastronne au tribunal. Il proclame à son procès que les Américains vont finir par négocier avec lui. Désarçonné par tant d'assurance et d'insolence, le président du tribunal finit par perdre patience. Il annonce qu'il démissionne, ce qui donne un nouveau répit aux prisonniers. Si ce n'est pas du fignolage, ça en a les apparences. Deuxième scénario, damascène celui-là, Bechar Al-Assad pique un fard. Né avec une cuillère d'argent dans la bouche, le placide héritier alaouite n'a pas eu à se battre pour conquérir le pouvoir. Il y a été propulsé par la volonté paternelle juchée sur la tourelle d'un char. Il pouvait couler des jours tranquilles, laisser son peuple, majoritairement sunnite, s'enliser dans le wahhabisme. Il a, au contraire, choisi de scier, côté tronc, la branche du Baath qui lui servait d'assise. Il a organisé l'assassinat de Hariri en laissant des traces aussi visibles que le crottin de mouton, rue Didouche, la veille de l'Aïd. Les Américains brandissent à nouveau la menace d'une invasion à l'irakienne. Les Arabes, croyants et hypocrites mêlés (1) crient au complot. Oui, il y a complot, un complot dont les principaux éléments se trouvent à Damas. Vous remarquerez que, jusqu'ici, je n'ai accusé personne d'émarger à la CIA. Il y a cependant de fortes présomptions contre nos idoles des foules. Troisième et dernier élément du complot, pardon de la série, l'Iranien Ahmadinjad. Ce monsieur me semble être la quintessence de ce que peuvent produire les laboratoires des officines de nos jours. A la différence de Saddam et de Bechar, Ahmadinjad n'est pas venu à la religion sur le tard. L'opportunisme ? Il est né avec. La religion, pour lui, est un tremplin, un tapis magique pour subjuguer les foules. Si c'est un homme des Américains, chapeau à la CIA et gloire à Bush ! En attendant, avec ses défis à la communauté internationale, il se comporte comme un membre d'un commando infiltré derrière les lignes ennemies. Il aura alors mérité l'auréole qu'il croit avoir vue suspendue au-dessus de sa tête aux Nations unies. En fait, nous dit le quotidien saoudien Al-Watan, le président iranien a réellement vu une auréole. C'est celle que projetait la lampe située au-dessus de son pupitre et destinée à faciliter aux orateurs la lecture de leurs discours. Al-Watan suggère que le nouveau chef de l'Etat iranien serait simplement superstitieux, ce qui pimenterait le scénario si Hollywood s'en emparait (2).

Al-Watan estime que Ahmadinjad peut tromper des gens incultes mais il ne réussira pas à berner les gens dotés d'un minimum d'intelligence. Ce en quoi il se trompe : Ahmadinjad continue à galvaniser les foules et celles-ci, par définition, sont incultes. Prenant le relais sur ce thème de la superstition, le journal des Emirats Al-Khalidj cite le cas des Arabes de la Djahilia qui se basaient sur le vol des oiseaux (3) pour décider de voyager. Ils lançaient une pierre à un oiseau et si ce dernier s'envolait vers la droite, c'était un bon signe. S'il s'envolait vers la gauche, c'était de mauvais augure et le voyage était reporté. Le journal passe également en revue les personnalités célèbres et connues pour être très superstitieuses. Il raconte ainsi que le poète Ibn Al-Roumi avait la manie de chercher des motifs de suspicion dans l'anagramme des prénoms de ses concitoyens. Un jour, il refusa d'ouvrir sa porte à un certain Hassan parce que, lui dit-il, “l'anagramme de ton prénom donne “Nahass” (la guigne)”(3). On peut donc en déduire que c'est par superstition et pour éviter le mauvais œil que les responsables arabes se montrent si discrets sur leur état de santé. C'est sur ce sujet que le magazine Elaph est revenu la semaine dernière sous la plume de Khaled Mountassar. Dans sa chronique hebdomadaire des médias, notre confrère est revenu sur la maladie du président Bouteflika. Il déplore la manière dont les sociétés arabes ont traité la maladie de Bouteflika en la comparant à ce qui a été fait en Israël pour Sharon. Il note que les Israéliens ont donné tous les détails possibles sur l'état de santé alors que le cas Bouteflika a été traité au goutte- à-goutte. “Même les petits enfants savent que le simple fait d'aller se soigner en France fait penser à un cancer”, affirme Khaled Mountassar qui rappelle que ce pays est l'un des mieux équipés en ce domaine. “Mais les médias officiels arabes préfèrent jouer sur le mythe du dirigeant qui ne tombe jamais malade”, note-til. “Les présidents et les rois arabes sont des dieux face à la maladie et leur état de santé relève du secret d'Etat”. Bien plus, ajoute notre confrère, “c'est un des secrets d'Etat les mieux gardés sinon le plus gardé”. Et puisque nous sommes désormais la société du hidjab pour mieux être en phase avec nos soi-disant ancêtres, sachez que l'Aïd n'a pas été morose pour tout le monde. En Egypte, la poupée Fella a battu le record des ventes devant la fameuse Barbie. Fella est une poupée habillée convenablement de la tête aux pieds et coiffée du hidjab que nous avons tous et toutes en tête. Sous le vêtement ample koreichite, Fella porte un jean et un t-shirt moulant comme les jeunes filles d'Egypte. Quant à savoir ce qu'il y a en dessous, il faut s'adresser aux marchands spécialisés de la rue Meissonier. Barbie, “la juive”, comme la nomment certains prêcheurs, est encore en vogue dans le monde arabe mais ses jours sont comptés. Son défaut, c'est d'en montrer un peu trop. Et comme le dit si bien le sociologue Chaker Naboulci : “Les Arabes préfèrent avoir des réponses aux questions qu'ils n'ont pas posées.” A. H.


(1) Il est pratiquement impossible de les distinguer mais, comme on dit, Dieu reconnaîtra les siens. Il faut juste prendre son mal en patience et ne pas se précipiter pour le lapider le diable avec tous les risques que cela comporte.
(2) Les scénarios d'Hollywood et de Langley (quartier général de la CIA) ne sont pas les mêmes mais il arrive souvent que l'intertextualité y soit de mise.
(3) Faut-il préciser que je n'ai rien contre les “Hassan”, en général.

Source : Ahmed Alli Le soir d'algérie http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/01/16/article.php?sid=33105&cid=8

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