mercredi 29 novembre 2006

Si tu vois une oie évanouie

C'est à peine croyable ! Ce qui n'était qu'un exercice d'autodérision, des élucubrations de chroniqueur, est devenu une réalité. Depuis la sortie de cheb Mami, improvisé premier personnage de l'Etat livré à la providence, on n'a pas fait mieux. Souvenez-vous ! La semaine dernière, je vous parlais de la foucade d'un confrère égyptien, Khaled Mountassar.
Ce dernier suggérait que le chanteur Chabane Abderrahim, Monsieur Moi je n'aime pas, fasse un tube contre la grippe aviaire. En lançant cette idée un peu folle, il brocardait simplement l'artiste qui fait refrains de tout. Khaled Mountassar doit se sentir dans l'attitude de l'arroseur arrosé. Qu'il ait lu la chronique de Mountassar ou pas, un député égyptien a repris la balle au bond. Il a proposé en séance parlementaire de faire appel au chanteur le plus populaire du moment. Aussitôt dit, aussitôt fait : les autorités égyptiennes ont demandé à Chabane Abderrahim de faire une chanson pour appuyer la lutte contre la grippe du poulet. Je précise tout de suite qu'il ne s'agit pas pour l'omniprésent chanteur de jouer les épouvantails. Il n'aura pas à faire peur aux volatiles migrants pour les éloigner des bords du Nil. Quoique, de ce côté-là, il soit physiquement doué pour terroriser les moineaux et les hirondelles (1). Non ! Il s'agira simplement pour Chabane Abderrahim de sensibiliser les masses au danger du virus. Il sera une espèce de “Hadj Tamiflu” avant la lettre. Il apprendra au peuple comment se prémunir contre la grippe aviaire avec le même entrain et la même conviction qu'il en a manifestés pour lui faire aimer les Danois.



Le magazine Elaph nous livre en exclusivité des extraits de cette nouvelle chanson dont le clip est déjà en chantier. En voici un passage: Si tu vois une oie évanouie, méfie-toi ! Prends le téléphone et avertis (les autorités) ! Suivent les autres recommandations concernant les canards, les pigeons, etc. Ce qu'il y a de bien en Egypte, c'est que la moindre atteinte au pays devient une cause nationale. Ce n'est pas au Caire que vous entendrez des “Vive Zarkaoui” à la gloire de l'assassin de l'ambassadeur d'Egypte en Irak. De leur côté, les Frères musulmans d'Egypte ne pouvaient rester dans l'expectative. Entre pédagogie et démagogie, les députés du mouvement ont mangé du poulet sur le parvis du Parlement. Bien sûr, les caméras des télévisions satellitaires arabes étaient là par hasard. Pour bien montrer les limites de l'union sacrée, les élus du parti au pouvoir n'ont pas participé à la fête. Toutefois, et au lendemain de cette démonstration, le gouvernement a indiqué incidemment qu'après le Conseil des ministres, les participants ont déjeuné avec du poulet. C'est l'écrivain Youssef Al-Qaid qui nous l'apprend dans le quotidien du Qatar Al-Raya. Il affirme également que le poulet a désormais un parti en Egypte. Lors d'une manifestation d'éleveurs de volailles au Caire, l'un des manifestants, interrogé sur la nature du mouvement, a répondu : “Nous sommes le parti du poulet.” Le problème est tellement sérieux qu'il a éclipsé le drame du ferry égyptien qui a coulé il y a quelques semaines en mer rouge, note encore l'écrivain. “Cependant, croit savoir Youssef Al-Qaid, la grippe aviaire se transmet aussi rapidement par le porc. Or, précise-t-il, ce sont les coptes les plus pauvres qui pratiquent cet élevage, souvent sur des décharges publiques à la périphérie des grandes villes. Ce problème, personne n'en parle. Il est très sensible car il soulève l'épineuse question de la relation entre la majorité musulmane et la minorité copte”, nous dit l'écrivain. Autrement dit, les autorités craindraient d'imposer aux coptes des mesures de santé publique qui concernent tous les Egyptiens. Si je comprends bien le raisonnement, on peut attaquer des coptes lorsqu'ils veulent agrandir leurs lieux de culte, en tuer quelques-uns à l'occasion mais gare à leurs cochons ! Ainsi, par une curieuse et très conjoncturelle approche de la tolérance, les autorités égyptiennes hésiteraient à heurter les traditions des coptes ou à léser leurs intérêts. C'est à croire que la raison s'efface systématiquement dès qu'il s'agit de religions.


Un exemple : le cheikh de la chaîne Al-Jazira, Karadhawi. Le cheikh préféré de nos oies blanches est confronté à un défi intolérable, celui du téléprêcheur Omar Khaled. Ce dernier a bravé l'interdit du maître et a organisé la semaine dernière une conférence à Copenhague pour y faire connaître le vrai visage de l'Islam. Karadhawi ne tire pas à boulets rouges sur Khaled parce qu'il prétend représenter l'Islam réel. Ce n'est pas son problème et il sait pertinemment que le maître et l'élève sont loin d'être l'image d'un Islam rayonnant et humaniste. Omar Khaled a tout simplement désobéi à une fetwa de Karadhawi ordonnant le boycott de tout ce qui est danois. Il a organisé sa conférence, y a fait de beaux discours et a versé les larmes d'usage. La télévision était là aussi et ce n'est pas par hasard. Du coup, Omar Khaled est traité de tous les noms, sauf celui d'apostat réservé exclusivement aux musulmans qui ne sont pas d'accord. Le qualificatif qui revient le plus souvent est “opportuniste”. Or, si l'opportunisme a toujours le même sens, Karadhawi et Khaled en sont les dignes représentants. Ils sont dans le camp fondé jadis par Muawiya. C'est le camp où le réalisme politique et les intérêts de caste l'emportent sur toutes les considérations religieuses ou morales. A contre-courant de cet islam dominant et politiquement correct, se trouvent heureusement des résistants comme Djamal Al- Bana, le frère cadet de Hassan Al-Bana, fondateur du mouvement des Frères musulmans. Dans une interview à Al- Arabia.net, Djamal Al-Bana, musulman et théologien éclairé, revient sur la question du hidjab. Il affirme qu'il n'y a rien dans l'Islam qui étaye son obligation. “Le hidjab, dit-il, a été imposé à l'Islam. Ce n'est pas l'Islam qui l'a imposé.” (2). Et il ajoute : “Les cheveux de la femmes ne sont pas une partie honteuse. Elle peut accomplir sa prière individuelle tête nue.” Djamal Al- Bana cite alors un Hadith authentique selon lequel les hommes et les femmes faisaient leurs ablutions dans le même bassin à l'époque du Prophète. “Cette pratique a persisté du vivant du Prophète et a survécu jusqu'au califat de Omar qui l'a supprimée”, précise-t-il avant d'ajouter : “Ce sont les sociétés masculines qui ont imposé ce regard sur la femme. La mixité est une nécessité même si elle donne lieu à des fautes. Ce n'est pas parce qu'une personne a été heurtée par une voiture qu'il faut interdire la rue aux piétons.” Le plus jeune frère de Hassan Al-Bana qui se dit “coraniste”, c'est-à-dire partisan du retour au seul Coran, comme source théologique, va encore plus loin. Il affirme qu'une femme a le droit de conduire la prière si elle en a les capacités.” “Si elle est plus savante que l'homme, c'est à elle de diriger la prière collective”, ajoute-t-il. Mon commentaire : ma tinsistich, Si Djamal, hadi ma texistich.(3) , A. H.


(1) Dommage qu'il ne soit pas possible de vous montrer ici une photo du personnage. Ça vaut le détour. Pour ceux qui veulent le frisson de la peur, voici l’adresse : http//www.elaph.com/ElaphWeb/ Music/2006/3/132842.htm

(2) Le président Bouteflika a raison: le hidjab ne fait pas partie de nos traditions, le “hayek mrama”, si. Vous voyez la première représentante de l'Algérie indépendante à l'Onu monter à la tribune en “hayek mrama” ?

(3) Il parait que "ma tinsistich" (n'insiste pas) et "ma texistich" (ça n'existe pas) sont de graves déviations de notre langage quotidien. Je pense, pour ma part, que ces deux néologismes sont tout à fait conformes aux canons du moment.

Le soir d'Algérie Ahmed Alli http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2006/03/13/article.php?sid=35552&cid=8

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